11 juillet 2025

Un chausson aux pommes avec ça ?

 


Trump niaise le Canada*


« Voilà l’oncle Trump reparti avec ses menaces envers le Canada. Des menaces garrochées en milieu de soirée jeudi sur son réseau Truth Social, devenu la voix officielle des États-Unis.


« Encore une fois, il ressasse le même motif bidon du fentanyl pour justifier des droits de douane de 35 %, qu’il nous imposerait le 1er août si le Canada n’endigue pas le supposé flot de cette drogue qui traverserait les frontières, entre autres. Retour à la case départ, donc.


« La menace a été annoncée par la publication d’une lettre transmise au premier ministre Mark Carney et répliquée sur son réseau social. Le début de la lettre est paradoxal, comme la fin d’ailleurs.


«  C’est un grand honneur pour moi de vous envoyer cette lettre qui témoigne de la force et de l’engagement de nos relations commerciales… », commence-t-il par écrire.

Honneur, force et engagement, mon œil, pour ne pas dire autre chose.


« Vous ne serez jamais déçu par les États-Unis d’Amérique », conclut-il dans sa lettre de quatre paragraphes.


«Ah bon ?

« Si vous me permettez, Trump niaise le Canada.


« C’est reparti donc. Avant le printemps, Trump a joué au yoyo tarifaire avec le Canada, qui s’est terminé par la non-imposition de droits de douane sur les produits qui respectent les règles de l’accord de libre-échange Canada-États-Unis-Mexique, autrement dit l’essentiel des produits.


« Par la suite, il a imposé un droit de douane de 25 % sur l’acier et l’aluminium, avant de le doubler à 50 %, récemment. S’en est suivi un droit de 25 % sur les automobiles et leurs pièces et le 28 juin, il a forcé le Canada à abolir sa taxe sur les services numériques de 3 % imposés aux GAFAM et entreprises canadiennes du même type.


« Mardi s’est ajouté le cuivre, à 50 %, qui vise tous les pays, mais qui touche passablement le Canada, dont la moitié de la production annuelle est envoyée aux États-Unis, venant notamment du Québec.

« Jamais déçu ? Un grand honneur ?


«À voir ce que Trump a fait ailleurs, on comprend mieux le modus operandi du personnage, fait remarquer l’avocat Bernard Colas. Il exige un droit de douane minimal, comme celui de 10 % au Royaume-Uni. Impose au partenaire un volume minimal d’achat de produits américains. Se garde la latitude de changer d’idée pour des motifs de sécurité nationale. Et exige que le partenaire fasse front commun avec les États-Unis contre la Chine.


« Un chausson avec ça ?»


« Dans ce contexte, le Canada parviendra-t-il à éviter tout droit de douane, comme le souhaite l’équipe Carney ? D’autant que Trump cherche à financer ses baisses d’impôts avec ces droits de douane imposés au monde entier, dont la cible est de 300 milliards de dollars américains cette année.


« Au fait, pourquoi cet ajout de 35 % maintenant ? Visiblement, Trump juge que ça ne roule pas assez rondement à son goût dans ses négociations avec son vis-à-vis Mark Carney, que ce dernier a la couenne trop dure.


« Sa lettre transmise jeudi à son homologue canadien peut nous donner des indices sur les éléments qui accrochent. Trump y parle encore une fois du secteur laitier, qui prend une valeur symbolique, et que Carney a promis plus d’une fois de défendre.


« La difficulté avec l’oncle Trump, c’est qu’il ne tient pas ses promesses, n’est pas fiable.


« N’avions-nous pas obtempéré pour le fentanyl, en investissant 200 millions et en nommant un Tsar pour s’occuper de ce faux problème ?« N’avons-nous pas cédé notre droit de taxer les services numériques en guise de bonne foi dans la suite des négociations ?


« N’avons-nous pas promis d’investir des milliards dans son bouclier antimissile « dôme d’or », des milliards dans le domaine militaire ?


« La partie n’est pas terminée, cela dit. Mark Carney avait fixé au 21 juillet la date butoir pour conclure une entente. Trump ajoute de la pression en menaçant des droits de 35 % le 1er août, sans avoir encore signé de décret à ce sujet.


« Les prochaines semaines seront chaudes, mais l’équipe du Canada doit garder la tête froide. À voir l’irrespect du personnage, elle doit éviter de céder des parties de ses munitions avant d’avoir l’assurance d’une entente globale qui sera respectée.»


Chronique intitulée

*Trump niaise le Canada

Francis Vailles

La Presse

le 11 juillet 2025

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