Ses partisans lui avaient tout pardonné. Des allégations d’agressions sexuelles jusqu’à l’assaut contre le Capitole, en passant par l’affaire Stormy Daniels, les poursuites judiciaires et les procédures de destitution. Rien ne semblait pouvoir ébranler Donald Trump.
« Rien, jusqu’à l’affaire Epstein. Pour la première fois, les appuis du président chancellent. Voilà deux semaines qu’il cherche à mettre le couvercle sur la colère bouillonnante de sa base. Après tous les scandales et tous les mensonges, une chose aura donc réussi à le faire trébucher : la vérité. Toute plate.
« Le séisme s’est produit le 7 juillet, quand le FBI et le ministère de la Justice ont dévoilé leurs conclusions, après avoir examiné le dossier Epstein. En gros : il n’y a pas de liste de clients que le riche financier new-yorkais aurait fait chanter. Il n’y en a jamais eu. Et puis, tout indique qu’Epstein se soit bel et bien suicidé en prison, alors qu’il était en attente de son procès pour trafic sexuel
« Bref, il n’y a pas de complot.
« Le mouvement MAGA est entré en éruption.
[...]
« Après s’être servi d’eux pour se faire élire, Donald Trump en a marre. « On parle encore de lui ? », s’est-il emporté, la semaine dernière, lorsqu’un journaliste a voulu le questionner sur Jeffrey Epstein. Passons à autre chose, a pesté le président. Ce dossier est « ennuyant ».
« Sauf que l’affaire Epstein n’est pas le Pizzagate. Ce n’est pas une invention sortie tout droit des cerveaux complotistes. Et ce n’est surtout pas un dossier « ennuyant » que les Américains devraient balayer du revers de la main, comme le propose Donald Trump avec agacement.
« Jeffrey Epstein a commis des crimes bien réels. C’était un prédateur sexuel, un vrai salaud qui a fait des centaines de vraies victimes, souvent des adolescentes recrutées dans des quartiers pauvres de Miami ; les grandes oubliées de cette histoire absolument révoltante.
« Arrêté une première fois en 2006, Jeffrey Epstein a pu se négocier une peine ultra-clémente : 13 mois de prison – et encore, le multimillionnaire passait la nuit en cellule, mais son chauffeur venait le chercher chaque matin pour qu’il puisse se prélasser, le jour, dans sa villa de bord de mer…
« L’entente a également permis à Jeffrey Epstein de balayer sous le tapis les tonnes de preuves accumulées contre lui par les enquêteurs, a révélé le Miami Herald en 20 181. Pouf ! Disparus, les témoignages dévastateurs des victimes. Aucun criminel n’aurait dû être capable de s’en tirer aussi facilement. Mais voilà : Epstein avait de l’argent, beaucoup d’argent, et un paquet d’amis haut placés
Une conspiration ? Peut-être pas. Mais un scandale, ça oui. Un vrai.
« Pas besoin d’être conspirationniste, d’ailleurs, pour souhaiter que l’on rende des comptes aux victimes. Ni pour sourciller en constatant que, parmi les influents copains d’Epstein, figurait nul autre que Donald Trump. En 2003, ce dernier lui aurait dessiné un chic croquis de femme nue pour son 50e anniversaire, sa signature en guise de toison, en lui souhaitant « que chaque jour soit un autre merveilleux secret ».
« Loin de pousser Donald Trump dans les câbles, ce scoop fumant du Wall Street Journal 2 a permis au président de passer à l’offensive. En fin de semaine, plusieurs personnalités du mouvement MAGA sont rentrées dans le rang. En bons petits soldats, elles ont dénoncé les fake news colportées par l’élite médiatique et cet autre épouvantail commode à agiter en temps de crise : l’État profond, encore lui.
« Pour Donald Trump, tout semble donc revenir à la normale. Maintenant qu’il s’est remis à mentir, la colère des partisans ne bouillonne plus autant ; elle mijote. Reste à voir si le couvercle demeurera en place encore longtemps – ou si la révolution MAGA finira par dévorer ses propres enfants.»
Extraits de la chronique intitulée
La révolution MAGA dévorera-t-elle ses enfants ?
Isabelle Hachey
La Presse
le 22 juillet 2025
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