15 octobre 2025

Donald Trump est-il un pacificateur ?

« Après le provocateur, le pacificateur ? Depuis l’accord de cessez-le-feu conclu entre Israël et le Hamas, Donald Trump se pose en artisan de la paix sur toutes les tribunes. L’homme est-il à la hauteur du titre ?


Qu’a dit Donald Trump qui fait tant réagir ?

« La guerre est finie », s’est exclamé le président des États-Unis devant des journalistes qui se déplaçaient avec lui vers Israël, dimanche. Le président américain se rendait à Jérusalem, où il a été accueilli en héros, pour célébrer la libération des otages israéliens et l’accord de cessez-le-feu conclu entre Israël et le Hamas.


« Ce qui a marqué plusieurs personnes, ces derniers jours, c’est l’ardeur avec laquelle Trump s’est vanté d’avoir restauré la paix au Moyen-Orient. « Je suis doué pour résoudre des guerres. Je suis doué pour faire la paix », a-t-il lancé devant les journalistes à bord d’Air Force One.


« Il n’est pas le seul à se décrire en ces mots. Lundi, le Jerusalem Post titrait : « God Bless the Peacemaker » (Que Dieu bénisse le pacificateur), accompagné d’un portrait de Donald Trump et du drapeau américain. Même le Parlement israélien a évoqué la possibilité de soumettre la candidature de Trump au Nobel de la paix. La semaine dernière, la lauréate du prix, la cheffe de l’opposition vénézuélienne Maria Corina Machado, l’a par ailleurs dédié à Trump, dont l’administration est farouchement opposée au président vénézuélien, Nicolás Maduro.


Donald Trump se donne-t-il trop de mérite dans l’accord du cessez-le-feu ?

«  Oui et non, répond Rafael Jacob, spécialiste de la politique américaine et chercheur associé à la Chaire Raoul-Dandurand. « Objectivement, il a été le principal instigateur de l’entente. Mais est-ce qu’il exagère ? Cela va de soi, c’est Donald Trump », souligne-t-il, ajoutant que son prédécesseur démocrate, Joe Biden, a échoué à le faire.


« Destiné à mettre fin à la guerre à Gaza, le plan de l’administration Trump inclut 20 points. Dans une phase ultérieure, il prévoit que le Hamas soit exclu de la future gouvernance de la bande de Gaza et que son arsenal soit détruit.


« Pour le chargé de cours en science politique à l’Université McGill Brendan Szendrő, le président américain a tort de parler de paix. Le chemin à parcourir jusqu’à une paix durable est encore long – et miné.


« Si le plan échoue, nous pourrions assister à une reprise des hostilités ou à un retour au statu quo d’avant le 7 octobre 2023, caractérisé par des combats sporadiques et un blocus prolongé de Gaza. Nous reviendrons à la case départ », explique M. Szendrő.


Est-ce la première fois que Donald Trump vend l’image d’un pacificateur ?

« Pas du tout. Dès son premier mandat, le milliardaire a fait savoir qu’il n’aimait pas les guerres. « Il pense qu’elles sont un gaspillage d’argent et un gaspillage de vies humaines », a réitéré en juillet dernier son secrétaire d’État, Marco Rubio.


«Le président des États-Unis a même promis de mettre un terme à la guerre en Ukraine « en seulement 24 heures » lors de la dernière campagne présidentielle. « En fait, il a promis de mettre fin à toutes les guerres qui avaient commencé sous l’administration Biden », note Brendan Szendrő.


« C’est quelqu’un qui veut moins d’interventionnisme américain à l’étranger », résume de son côté Rafael Jacob.


« Sur ce point, le politicien est rempli de contradictions. « Alors qu’il veut être un agent de paix à l’international, d’un point de vue [intérieur], il est l’agent le plus corrosif », note-t-il.


« M. Jacob émet toutefois un bémol : il s’agit de la même administration qui a bombardé l’Iran en juin dernier et la Syrie en 2017. « C’était des actes de guerre, c’est indéniable, remarque le politologue. Le portrait n’est vraiment pas noir ou blanc. 


La paix est-elle en voie de revenir à Gaza ?

« Les prochains jours seront déterminants. Mardi, des tirs israéliens ont tué six personnes dans la bande de Gaza, malgré le cessez-le-feu.


« La télévision du Hamas a également publié une vidéo montrant ce qu’elle présente comme l’exécution de huit hommes « collaborateurs » d’Israël.


« Ce n’est pas un plan de paix », affirme le professeur adjoint de la faculté des sciences sociales à l’Université d’Ottawa Noomane Raboudi.


« Selon lui, c’est avant tout « une manœuvre pour assurer la sécurité en Israël » et « une mise en scène médiatique pour satisfaire l’ego de Trump ».


« Les Israéliens vont attendre la moindre erreur des Palestiniens pour relancer la machine de guerre », avance celui qui étudie l’islamisme et le terrorisme.


« Nous avons atteint un niveau de déshumanisation qui est absolument ahurissant. »


Article intitulé

Donald Trump, faiseur de paix ?

Léa Carrier

La Presse

le 15 octobre 2025, publié à 5 h00

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