19 octobre 2025

Les dangers du confort croissent-ils avec l’usage ?


« Nous sommes accros au confort. Et cette dépendance pourrait fort bien nous mener à notre perte. Cette recherche sans fin d’un niveau toujours plus élevé de confort nous obsède, littéralement. Et nous laisse toujours sur notre faim.

« Le confort est dorénavant présent, du moins nous l’espérons, dans tous les aspects de notre vie. On pense bien sûr au confort matériel, au confort psychologique (la sécurité par exemple), au confort moral, à notre zone de confort, aux soins de confort, au confort dans nos relations avec les autres, et ainsi de suite. Il peut bien sûr nous apporter du bien-être, mais pas nécessairement.


« Bien qu’ils aient des racines étymologiques différentes, le confort représente souvent la négation de l’effort. La technologie moderne nous « facilite la vie », nous la rend plus aisée, parce que nous pouvons accomplir les mêmes tâches en fournissant moins d’effort, voire pas du tout. Cette apparente félicité comporte toutefois un revers, un côté pervers.


« Le sociologue italien Stefano Boni en a fait un concept et un ouvrage intitulé Homo confort. Le prix à payer d’une vie sans efforts ni contraintes. Il révèle « le prix à payer de l’expansion du confort moderne : affaiblissement de nos capacités cognitives et sensorielles, perte d’autonomie au profit de dispositifs technologiques, renforcement de l’individualisme, appauvrissement et instrumentalisation des relations sociales, mise à distance de la nature et destruction des écosystèmes ». Des savoir-faire ancestraux et artisanaux sont ainsi perdus à jamais, et nous devenons donc encore plus dépendants de technologies que nous ne comprenons souvent ni d’Ève ni d’Adam.


« Personne ne se plaindra de l’allégement des tâches physiquement ingrates que la technologie a permis. Le coût environnemental de la production de ces appareils technologiques est cependant largement sous-estimé, comme en font foi les crises climatiques et de la biodiversité, entre autres. C’est déjà souvent trop cher payé, mais ce n’est pas tout. L’emballement du développement technologique visant notre confort menace dorénavant ce qui fait de nous des humains.


« Il n’est déjà plus nécessaire de savoir lire, un ordinateur peut le faire et nous livrer une version orale à écouter. Il n’est presque plus nécessaire de savoir écrire, des robots conversationnels peuvent rédiger des textes selon nos directives… que les premiers pourront nous lire. D’autres formes d’intelligence artificielle (IA) peuvent composer de la musique, peindre des tableaux, et quoi encore. On nous promet pour bientôt une évolution de l’IA qui pourrait réfléchir et prendre des décisions à notre place, pour notre plus grand « confort ». Même plus besoin de faire l’effort de penser ou de décider, le pur bonheur !


« Après les épidémies d’obésité, de dépression, de cancers, etc., toutes liées plus ou moins directement à notre appétit insatiable pour le confort, ce sera la lobotomie collective. Le « confort » ultime. Mais pourra-t-on encore appeler « vie » le moignon d’existence qui nous restera ?


« Lorsqu’on met bout à bout tous ces effets pervers d’un développement technologique hors de contrôle, on pourrait se demander si nous ne sommes pas en train de programmer notre propre obsolescence. Le philosophe Günther Anders était-il devin lorsqu’il publiait en 1956 L’obsolescence de l’homme ? Selon sa thèse, l’humain a tellement honte de son infériorité, de son imperfection, face à ses propres créations, les machines, qu’il chercherait par tous les moyens à en devenir une. On s’en approche dangereusement.


« On en vient à se demander si la « crise technologique » n’est pas plus menaçante pour notre survie en tant qu’humains que les crises climatiques ou autres. Pour imager la situation, nous sommes tous dans une grande marmite d’eau chaude, et confortable, sous laquelle un feu ardent alimenté par nous-mêmes pourrait bientôt porter cette eau à ébullition. Saurons-nous renoncer en partie à notre confort et faire l’effort de sauter hors de la marmite, ou cesser de fournir du combustible, avant qu’il soit trop tard ? Il serait temps de démontrer que notre QI est réellement supérieur à celui d’une pauvre grenouille… ou d’une machine. »


Libre opinion intitulée

Sommes-nous en train de programmer 

notre propre obsolescence ?

Benoit Huard

CPA à la retraite et instigateur du 

Mouvement pour la protection

de la nature adéloise

Le Devoir

le 18 octobre 2025

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