21 novembre 2025

Chronique - Pourquoi il faut encore parler de Trump



« Comme beaucoup, vous en avez peut-être ras le bol des articles sur Donald Trump et ressentez l’envie de passer au suivant, sur nos problèmes familiers comme la santé ou le logement, ou de vous évader dans un sujet plus réjouissant à la section des Arts ou des Sports.


« Le hic, c’est que le président américain demeure notre problème numéro un et qu’il rétrécit l’éventail des possibilités pour régler les autres. J’y reviendrai plus loin.


« C’est un piège de considérer Trump comme un affreux clown qui sortira de piste aux prochaines élections, en espérant que tout rentrera dans l’ordre.


« Dans une habile valse-hésitation, il se rapproche chaque jour de son rêve mégalomane : devenir président à vie des États-Unis et imposer ses quatre volontés au reste du monde.


« Ça va tellement vite et c’est tellement gros qu’on se pince pour s’assurer que ce n’est pas un vilain cauchemar.


« Trump mène une révolution politique », affirme Ian Bremmer, patron d’Eurasia, influent cabinet d’analyse des risques géopolitiques. Une révolution aussi importante que celle de Mikhaïl Gorbatchev, qui a mis fin au régime soviétique, et de Deng Xiaoping, qui a chamboulé l’économie socialiste chinoise en libérant les forces du marché.


« Comment qualifier Trump et le régime qu’annonce sa révolution ? Tout un spectre entre une démocratie libérale, où les libertés individuelles sont protégées et où les électeurs choisissent leur gouvernement par des élections libres, comme au Canada, et un régime totalitaire comme la Corée du Nord, où Kim Jong-un contrôle tout par la terreur.


« Dictateur » est (encore) exagéré, mais de nombreux politologues jugent que Trump se comporte en autocrate, exerçant un pouvoir sans contrainte, et que les États-Unis se transforment en démocratie illibérale, avec un parti dominant qui manipule les élections pour conserver le pouvoir.


« Pensez à la Turquie, à la Hongrie et à l’Inde, mais s’agissant cette fois de la plus grande puissance mondiale.


« Les contre-pouvoirs de la Constitution américaine, conçus pour écarter l’absolutisme royal, sont battus en brèche. Le Congrès à majorité républicaine n’est plus qu’une carpette. L’opposition démocrate est divisée. Si les juges de première instance bloquent certains coups de force, la Cour suprême se montre timide et conciliante. Trump presse les généraux de s’engager dans une guerre contre ses ennemis intérieurs et ses procureurs tâchent de les envoyer en prison.


« Dans la société civile, des universités bradent leur indépendance et des médias plient l’échine sous la pression de leurs propriétaires. Les tech bros courtisent Trump pour bâtir sans gêne leur empire, qui carbure aux informations polarisantes.


« Les patrons d’entreprise se terrent, transis de peur. Les marchés, que l’on croyait l’ultime garde-fou, sont soulés par l’IA.

« Les chefs de gouvernements étrangers ont beau se fendre de compliments obséquieux, l’homme fort de la Maison-Blanche leur extorque de coûteuses concessions, si ce n’est des pots-de-vin mal déguisés.


« Tout ça en 10 mois. Qu’en sera-t-il dans 36, lors de la prochaine présidentielle où Trump pourrait se représenter, malgré l’interdit de la Constitution ? 


« Faut-il rappeler sa tentative de coup d’État du 6 janvier 2021 ? Son ancien stratège Steve Bannon soutient qu’il y a un plan. Et même si Trump s’abstient, ses acolytes voudront perpétuer son régime autoritaire.


« Doit-on tourner le dos aux États-Unis pour s’occuper de nos problèmes, aussi réels ? Non, mais constatons que Trump a étranglé la gamme des options.


« Sa guerre commerciale réduit notre croissance et les revenus des gouvernements. Il nous oblige à dépenser pour soutenir les travailleurs et les entreprises touchés.


« Avec son faux frère Vladimir Poutine, Trump nous force à tripler nos dépenses militaires. Bref, l’argent se fait plus rare pour nos vieux problèmes.


« Trump se fâche lorsque nos politiques lui déplaisent, comme la taxe sur les services numériques.


« Il est aussi largement responsable des déboires de notre industrie naissante des batteries et des voitures électriques, en démolissant les mesures de Joe Biden contre le réchauffement climatique et en kidnappant notre industrie automobile.


Que faire alors ?

« Le Canada peut, à long terme, réduire sa vulnérabilité en diversifiant ses échanges commerciaux et en investissant dans des infrastructures qui hausseront notre productivité et notre croissance.


« Or, dans cette transition difficile, Trump ne manquera pas d’exploiter les divisions entre provinces, comme les projets de référendum sur l’indépendance du Québec et de l’Alberta. Il n’a pas renoncé à l’expansion territoriale des États-Unis.


« L’autre défi est de résister à son influence illibérale, une pente savonneuse où s’aventurent des politiciens populistes avec leur cortège de solutions faciles : faire des immigrants les boucs émissaires de tous nos malheurs, subordonner les droits individuels aux droits collectifs, jouer aux hommes forts qui sauveront la nation, réclamer la prison pour ses adversaires.


« À me relire, je suis découragé comme vous, malgré l’embellie d’une poignée de démocrates nouvellement élus. Ressaisissons-nous, car Trump et ses comparses comptent sur notre écœurement pour triompher. Ayons le courage de défendre nos valeurs et trouvons des solutions créatrices qui esquiveront la brute américaine.


« Notre démocratie n’existe vraiment que si la population participe, d’abord aux élections, mais aussi dans un dialogue respectueux, comme dans ces pages. Une action à la portée de tous est de s’engager dans la vie associative des milliers d’organisations à but non lucratif qui tissent l’étoffe du vivre-ensemble.


«Il faut encore lire sur Trump, mais pour notre santé mentale, garder du temps pour le beau. Je sors faire de la photo.»


Chronique intitulée

Pourquoi il faut encore parler de Trump

Miville Tremblay

collaboration spéciale

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