Depuis jeudi, Israël mène une série de frappes d’une ampleur sans précédent contre des cibles gouvernementales, militaires et nucléaires iraniennes. Baptisée « Lion qui se dresse », l’opération marque une escalade dans les tensions entre les deux pays, et menace de durer plusieurs semaines, sinon davantage.
Combien de temps ce conflit va-t-il durer ?
« Le conflit semble se situer quelque part entre la guerre de l’ombre qu’Israël et l’Iran menaient jusqu’ici et des attaques de missiles balistiques et des raids aériens quotidiens.
« Je ne serais pas surpris qu’on assiste à une guerre larvée qui pourrait durer longtemps », explique Pierre Pahlavi, professeur au Collège des Forces canadiennes (CFC) et membre de la chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques.
« Un élément pourrait limiter le conflit dans le temps : la réaction de l’administration Trump. « Il n’y a pas beaucoup d’appétit à Washington pour une intervention des États-Unis, et sans les États-Unis, Israël a des options limitées », observait M. Pahlavi avant le départ précipité de Donald Trump du Sommet du G7. « Le pays n’a pas de bunker busters capables de mettre fin au programme nucléaire iranien, et il n’est pas dans leurs plans d’envoyer des soldats sur place. »
« Il y a aussi l’aspect logistique d’un tel conflit. « De part et d’autre, on va piocher dans les stocks de missiles. Déjà, fin 2024, les Israéliens avaient largement dépensé leurs capacités balistiques. Ils ne peuvent pas éternellement envoyer des missiles. Il peut y avoir un essoufflement technique. »
Quelles conditions doivent être réunies pour que le conflit prenne fin ?
« Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a dit qu’il cherchait à mettre fin au programme nucléaire iranien, et a appelé la population iranienne à se soulever, note Thomas Juneau, spécialiste du Moyen-Orient à l’Université d’Ottawa. « L’objectif d’Israël n’est pas complètement clair », dit-il.
« Selon lui, Israël semble viser trois objectifs : affaiblir le programme nucléaire iranien, dégrader la capacité militaire de l’Iran et affaiblir l’infrastructure énergétique du pays.
« Le programme nucléaire iranien « ne sera pas éradiqué après les bombardements », puisque ses installations se trouvent dans des sites souterrains que les missiles traditionnels ne peuvent atteindre, mentionne M. Juneau. « Éradiquer le programme nucléaire, c’est comme éradiquer le Hamas, ce n’est pas faisable. Donc, où est-ce qu’Israël va tracer la ligne ? Quand vont-ils estimer qu’ils en ont fait assez ? Je ne connais pas la réponse. Mais manifestement, on n’y est pas encore. »
Qui sont les alliés d’Israël et de l’Iran ?
« L’Iran a surtout des partenaires, comme la Russie et la Chine, indique M. Pahlavi. « Ils ont des ententes stratégiques, des partenariats militaires, mais ce n’est pas une alliance. Il n’y a pas d’article 5 comme dans l’OTAN, où les pays ont une obligation de défendre un pays attaqué. »
« Israël, de son côté, compte sur l’appui des États-Unis, allié puissant. « Mais, encore une fois, Trump n’a pas démontré beaucoup d’enthousiasme pour ce conflit. Cela dit, si les États-Unis doivent absolument embarquer, ils vont le faire », estime M. Pahlavi. La France et le Royaume-Uni ne sont pas chauds non plus à l’idée de s’impliquer dans un nouveau conflit dans la région. « Sauf si les bases franco-britanniques dans la région sont attaquées, je ne crois pas qu’Israël pourrait compter sur eux. »
Quel est le bilan jusqu’à maintenant ?
« Israël a lancé le 13 juin sur l’Iran une attaque d’une ampleur sans précédent, visant des centaines de cibles militaires et nucléaires, avec l’objectif affiché d’empêcher ce pays de se doter de l’arme atomique.
« Les frappes israéliennes, qui ont notamment visé Téhéran, ont jusqu’ici fait au moins 224 morts et plus d’un millier de blessés en Iran, selon le dernier bilan officiel.
« Le centre pilote d’enrichissement d’uranium de Natanz, dans le centre du pays, a été « détruit » dans sa partie en surface, ainsi que des infrastructures électriques, selon l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), citant des informations des autorités iraniennes. En revanche, « rien n’indique qu’il y ait eu une attaque physique contre la salle souterraine » abritant la principale usine, a précisé l’instance onusienne lundi. Mais « la coupure d’électricité pourrait avoir endommagé » les milliers de centrifugeuses qui s’y trouvent.
Extraits de l’article intitulé
Où est-ce qu’Israël va tracer la ligne ?
Nicolas Bérubé
avec l’Agence France-Presse
La Presse
le 18 juin 2025
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