23 août 2025

Vacances enfumées



Extraits de la chronique de Salomé Corbo intitulée

Un voyage sans horizon

Le Devoir

22 août 2025


« Les personnes qui me lisent régulièrement savent que j’aime voyager avec ma marmaille. Chaque voyage est une occasion de découvrir des gens et leurs modes de vie, des paysages, des lieux chargés d’histoire et, surtout, il s’agit d’une occasion de resserrer nos liens. Quoi de plus fort pour l’unité familiale que de défaire une tente à la pluie battante, de jouer à des petits jeux de société sur une terrasse en attendant notre repas ou encore de chanter à tue-tête nos chansons préférées dans la voiture.


« C’est donc tout sourire que notre petite famille a pris la route cet été, direction Toronto. Nous avions choisi cette destination après avoir annulé notre road trip vers la Californie. Depuis que nos voisins du Sud sont dirigés par un mégalomane qui nous a plongés dans une guerre de tarifs aussi dommageable qu’inutile, nous avons préféré placer notre maigre budget de vacances au service de l’économie canadienne. La cadette souhaitait visiter une grande ville, moi j’avais envie de plage et, tant qu’à être en Ontario, nous avons donc ajouté Kingston, Niagara Falls, Sandbanks et Belleville à notre itinéraire.


« Au moment où nous rejoignions l’autoroute 401 qui nous mènerait vers la métropole canadienne, le ciel était particulièrement voilé. Le phénomène n’avait malheureusement rien à voir avec des stratus ou des altostratus. Il s’agissait d’une épaisse couche de fumée due aux feux de forêt qui faisaient rage dans l’Ouest canadien. Le jour de notre départ, Toronto était classé au deuxième rang des villes ayant la pire qualité de l’air au monde. Montréal n’avait d’ailleurs rien à lui envier, elle-même classée au cinquième rang de ce funeste palmarès. 


[...]


« Le ciel ne s’est jamais dégagé durant notre périple. Sur la plage des dunes de Sandbanks  j’ai fait de spectaculaires photos, où le soleil perce à peine le voile de fumée et donne au sable blanc un aspect en plus doux. Ce serait de magnifiques photos souvenirs, si cela ne nous rappelait pas cruellement que notre planète se réchauffe dangereusement. « Bien que les feux de forêt soient des perturbations naturelles qui contribuent à la santé et au renouvellement de nombreux écosystèmes forestiers, en raison du réchauffement climatique, ils sont de plus en plus intenses et incontrôlables, et donc encore plus destructeurs », peut-on lire sur le site de l’Institut climatique du Canada.


« Le dernier soir, à Belleville, les vents ont enfin chassé la fumée, laissant apparaître un magnifique ciel étoilé et une lune étincelante. La suite de la chanson de Jean Leloup m’est alors revenue : « Tant qu’il y aura des étoiles — Sur le bord de la route, nous pourrons nous arrêter — Tant qu’il y aura des rivières. Nous pourrons nous baigner. » Voici ce que je nous souhaite donc pour l’avenir quelques nuits étoilées pour faire des vœux durant les Perséides et quelques plans d’eau accessibles, pas trop pollués, pour y plonger et rafraîchir nos corps épuisés par les canicules.


«  Et par-dessus tout, j’exhorte nos dirigeants à prendre leurs responsabilités et à agir face aux défis reliés au réchauffement climatique, pas pour que les vacanciers voient l’horizon, mais pour que nos enfants et leurs enfants puissent simplement respirer.»


Salomé Corbo

Comédienne, improvisatrice et autrice, 

la chroniqueuse est aussi citoyenne du mieux qu’elle peut.

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