« Donald Trump a annoncé lundi un plan en 20 points pour mettre fin à la guerre dans la bande de Gaza, qui doit encore être accepté par les parties, prévoyant notamment qu’il préside un comité supervisant la transition dans le territoire palestinien. Deux experts interrogés par Le Devoir font le point sur ce plan.
Que faut-il retenir de ce plan en vingt points ?
« Trois points importants ressortent de ce plan, selon Benjamin Toubol, doctorant en sciences politiques à l’Université Laval. La première est la libération des otages par le Hamas et la restitution de ceux décédés, dans les 72 heures suivant l’acceptation publique du plan par Israël. Ensuite, on y prévoit également le désarmement du Hamas. Le troisième point à retenir est la création d’une autorité civile indépendante, qui « évacue totalement l’Autorité palestinienne avec Mahmoud Abbas », explique M. Toubol.
« Charles-Philippe David, fondateur de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques de l’UQAM, a une « réaction double ». Le premier mot qu’il prononce est « enfin ! », précisant voir « une toute petite lueur d’espoir ». Il avoue ensuite être « dubitatif » et « rester sur [ses] gardes ». La preuve de l’efficacité de ce plan « reste à faire », estime-t-il.
« La reconstruction de Gaza représente un défi colossal comme jamais dans l’histoire depuis la Seconde Guerre mondiale », note-t-il.
Est-ce que ce plan représente une réelle avancée dans la guerre à Gaza ?
« Le plan représente « une avancée pour la guerre à Gaza, mais pas dans le conflit israélo-palestinien », répond M. Toubol, précisant que les vingt points ne font pas mention de la Cisjordanie. La création d’un comité de paix, présidé par Donald Trump, « pourrait amener a priori une certaine avancée dans le cessez-le-feu », ajoute-t-il.
« M. David se réfère à l’évolution de la situation depuis le 7 octobre 2023. « Ça représente une avancée, parce qu’il faut regarder d’où on vient », conclut-il. Il évoque « un tout petit pas en avant », mais reste, encore une fois, très dubitatif face à ce plan.
« Pour lui, « ce n’est pas un plan résolument international, qui n’a pas l’air non plus, pour l’instant, d’inclure activement plusieurs pays arabes ». Cette proposition « anglo-américaine » en vingt points, dans laquelle l’ex-premier ministre britannique Tony Blair jouerait un rôle, est à la limite du « colonialisme », selon le fondateur de la Chaire Raoul-Dandurand.
« Il s’interroge également sur la position d’Israël dans cette résolution de conflit. « Combien de zones territoriales Israël va-t-il conserver ? demande-t-il. C’est très clair qu’Israël ne restituera pas la totalité du territoire de Gaza. »
Comment Donald Trump est-il passé de la « Riviera du Moyen-Orient » à ce nouveau plan ?
« Le projet de « Riviera du Moyen-Orient » de Donald Trump, dont le plan a été révélé par le Washington Post à la fin août, prévoyait la reconstruction de la bande de Gaza en une station balnéaire sous tutelle américaine pendant dix ans. En plus d’en faire une zone attrayante pour les touristes, Donald Trump voulait y développer une économie florissante avec des infrastructures modernes et des occasions d’affaires. Il était notamment question d’inciter les Gazaouis à quitter leur territoire en échange d’une somme d’argent.
« M. Toubol remarque quand même « une continuité ». Sur le plan des relations internationales, le plan en vingt points « est le plus réaliste possible qui s’approche de l’idée de “Riviera” », puisque Gaza deviendrait une zone économiquement attrayante dans ce nouveau plan.
« La grande différence entre ces deux projets se trouve plutôt du côté d’Israël, qui se retirerait de la bande de Gaza sous plusieurs conditions, note M. Toubol, en restant tout de même aux frontières. L’évolution concerne ainsi plutôt l’implication israélienne, remarque-t-il.
« M. David semble du même avis que son confrère, ce nouveau plan « n’est pas si loin » de celui de la « Riviera ».
La nouvelle proposition est-elle le résultat des pressions internes et internationales sur Israël ?
« Benjamin Nétanyahou fait face à des manifestations pour un cessez-le-feu au sein de son pays. À l’international, de nombreux États ont accentué la pression sur Israël, notamment en reconnaissant l'État palestinien il y a quelques jours, à l’Assemblée générale de l’ONU.
« Pour M. David, ce plan résulte d’un croisement entre les pressions internes des Israéliens qui « en ont marre de cette guerre », les pressions internationales et le besoin de Nétanyahou d’avoir le soutien de Trump.
« L’objectif de Nétanyahou, c’est de sécuriser à tout prix l’appui des Américains, et il faut le dire, dans les derniers mois, cet appui s’est effrité », affirme-t-il. Il évoque ainsi une certaine pression américaine, « mais [qui], en même temps, fait son affaire, à Nétanyahou », puisqu’Israël sera responsable de la sécurité de Gaza.
« Benjamin Toubol ne pense pas que la reconnaissance d’un État palestinien a joué un rôle dans l’aboutissement de ce plan, évoquant plutôt l’isolement d’Israël sur la scène internationale. Il mentionne également le rôle de Trump. « Je pense que ce qui a beaucoup fait avancer les choses, c’est un Donald Trump qui veut passer à autre chose, qui veut essayer d’avancer ses pions, et se présenter comme un faiseur de paix », affirme-t-il.
« Même constat pour M. David : « Ce que veut Donald Trump, c’est l’image de l’homme de la paix, il veut gagner son prix Nobel. Donc pour lui, ce qui est important, c’est l’image. »
Est-ce possible de concevoir que le Hamas accepte ce plan ?
« Je ne sais pas », admet en premier M. Toubol. Il reconnaît que le Hamas n’a plus « de chef charismatique », et qu’au plan opérationnel, « c’est un organisme qui n’a plus de moyens, qui n’a plus d’armes, qui possède encore des milliers de combattants, mais surtout des recrues qui ont peu d’expérience ».
« M. Toubol ajoute également que la base du Hamas pourrait éventuellement faire pression sur ses dirigeants pour « ne pas manquer l’occasion d’être amnistiés ».
«En effet, le plan élaboré par les États-Unis prévoit qu’à terme, « les membres du Hamas qui s’engageront à respecter une coexistence pacifique [avec Israël] et qui rendront leurs armes bénéficieront d’une amnistie », et que ceux qui « souhaitent quitter Gaza bénéficieront d’un droit de passage protégé vers les pays de destination ».
« Là aussi, M. David reste « dubitatif ». « Chaque fois, on espère, puis ça ne marche pas », déplore-t-il, en comparant la situation à la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Il reconnaît que la possibilité d’amnistie pour les membres du Hamas pourrait être un incitatif, mais qu’il est trop tôt pour répondre à la question.»
Article intitulé
Le plan de Trump pour mettre fin à la guerre à Gaza en cinq questions
Sarah Collardey
Le Devoir
le 29 septembre 2025
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