Presque deux ans jour pour jour après l’attaque terroriste du Hamas, après 1219 victimes israéliennes, plus de 65 000 morts et 48 personnes encore prises en otage à Gaza, l’espoir renaît. Sous l’impulsion de Donald Trump, Israël et le Hamas se sont entendus sur un cessez-le-feu, sur la libération des otages et de prisonniers palestiniens.
« Deux ans de bombardements, de terreur, de destruction, de pertes, d’humiliations et le sentiment constant que nous pouvions mourir à tout moment. Et là, nous avons enfin l’impression de vivre un moment de répit », a confié à l’Agence France-Presse un déplacé, Samer Joudeh.
« Tareq al-Farra dit attendre fébrilement l’entrée en vigueur du cessez-le-feu, sans toutefois cacher ses appréhensions. « Je suis vraiment heureux que la guerre prenne fin, mais en même temps, j’ai peur d’une trahison, d’un retour aux affrontements comme lors de la première trêve de novembre 2023. Cette fois, j’espère que notre joie sera totale, que le cauchemar prendra fin », souligne-t-il.
« Des scènes de liesse ont aussi accueilli la nouvelle du côté des Israéliens, tout particulièrement pour les familles des otages. En rencontre à Washington avec Howard Lutnick, secrétaire américain au Commerce, elles ont eu au téléphone Donald Trump et l’un des proches d’un otage a lancé : « Monsieur le président, nous croyons en vous, nous savons que vous avez tant fait pour nous et nous vous faisons confiance pour que vous remplissiez toute la mission, celle de ramener à la maison chacun des otages. »
« Le président Trump a répondu que les otages seraient de retour lundi, une promesse qui a été accueillie par des applaudissements.
« Aussi triomphal soit-il, le président américain ne s’est pas attribué tout le mérite de l’accord. Premier à annoncer sur le réseau Truth Social qu’une entente avait été conclue, Donald Trump a remercié les médiateurs du Qatar, d’Égypte et de Turquie, puis indiqué que « tous les otages seront libérés très prochainement ».
« Israël retirera ses troupes sur une ligne convenue, première étape vers une paix solide, durable et pérenne. Toutes les parties seront traitées équitablement ! C’est un grand jour pour le monde arabo-musulman, Israël, toutes les nations voisines et les États-Unis d’Amérique. »
« Sur les réseaux sociaux, en parlant des 48 otages, le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a dit qu’« avec l’aide de Dieu, nous les ramènerons tous à la maison ».
« Tous ? Le Hamas a fait savoir qu’il allait libérer 20 otages vivants – difficile de savoir ce qu’il en est pour les 28 qui sont présumés morts – dans les 72 heures suivant le début de la mise en œuvre de l’accord. La signature est prévue jeudi en Égypte.
« En échange, Israël a consenti à la libération de 1950 prisonniers palestiniens.
« Sur X, le Qatar, par la voix de Majed Al-Ansari, porte-parole du ministère des Affaires étrangères, a indiqué qu’il y avait un accord « de cessez-le-feu à Gaza, qui conduira à la fin de la guerre, à la libération des otages israéliens et des prisonniers palestiniens et à l’entrée d’aide humanitaire ».
« Au réseau Fox, en soirée, Donald Trump a raconté avoir parlé à « Bibi » [Benyamin] Nétanyahou. « Il a dit : “Je n’en reviens pas, tout le monde m’aime maintenant” et je lui ai répondu : ”Ce qui est plus important, c’est qu’ils aiment Israël de nouveau”. »
« Et Trump d’ajouter qu’il a dit au premier ministre Nétanyahou : « Israël ne peut pas se battre contre le monde. »
« Donald Trump s’est réjoui aussi que tant de pays aux intérêts divergents se soient rassemblés pour dénouer l’impasse. « Le monde s’est rassemblé autour de cet accord et sans cela, ça ne serait pas arrivé », a-t-il reconnu.
« Sur X, le premier ministre Mark Carney a d’ailleurs offert ses félicitations au président Trump « pour son leadership essentiel », remerciant dans un même souffle « le Qatar, l’Égypte et la Turquie d’avoir travaillé sans relâche pour faire avancer les négociations ».
« Chercheur en résidence à la Chaire Raoul-Dandurand et spécialisé dans les opérations de consolidation de la paix, Julien Tourreille explique que l’annonce lui apparaît une bonne nouvelle, même s’il dit garder une dose de scepticisme et de prudence. Les Palestiniens et les Israéliens, souligne-t-il, partent de très loin, et la route vers une quelconque réconciliation sera ardue.
« À son avis, le tournant aura peut-être été cette frappe israélienne en plein Qatar. Le 9 septembre, l’armée israélienne a frappé au cœur de Doha, tuant sept personnes et faisant une vingtaine de blessés.
« Ça n’a pas plu du tout au Qatar, « et Donald Trump n’avait pas apprécié d’être mis devant le fait accompli [par Israël], rappelle M. Tourreille. Les Émirats arabes unis avaient même menacé de déchirer les accords de paix d’Abraham » qu’ils avaient conclus avec Israël en 2020.
« Comme le souligne M. Tourreille, on n’en est pas du tout à une quelconque reconnaissance par Israël d’un État palestinien.
« On en est vraiment à la première étape : la libération des otages restants en échange de prisonniers palestiniens, la cessation des hostilités, la reprise de l’aide humanitaire qui est absolument nécessaire à Gaza. Pour espérer passer aux autres phases, il va falloir que cette première étape se concrétise à la satisfaction des deux parties. »
« Professeur à l’Université de Sherbrooke et spécialiste du Proche et du Moyen-Orient, Sami Aoun estime que c’est une bonne nouvelle, qui permet d’espérer « un allègement des souffrances des Gazaouis » et un retour des derniers otages.
« Il y a quelques mois à peine, en février, Donald Trump évoquait l’idée d’une Riviera, rêvant de voir Gaza être convertie en une vaste station balnéaire. On n’en est plus là.
« Le scénario de chasser les Gazaouis de leur propre enclave est évacué, et la menace sur la Cisjordanie (l’autre territoire palestinien, au nord) diminue aussi », fait observer M. Aoun.
« Il ajoute qu’on n’en est pas à un retrait total des forces israéliennes de Gaza, « qui seront à tout le moins nettement repoussées vers les pourtours de la bande de Gaza ».
« Une autorité palestinienne devra aussi être mise en place – « qui ne sera ni le Hamas ni le Fatah » (parti politique nationaliste cofondé en 1959 par Yasser Arafat).
« Elle sera composée « de Palestiniens appuyés par un comité de paix présidé par Donald Trump, avec un rôle, peut-être, pour l’ex-premier ministre britannique Tony Blair et d’autres personnalités arabes ».
« La reconstruction devra être entreprise, « qui prendra beaucoup de temps », note M. Aoun.
«Selon lui, la solution à deux États, dont ne veut pas Israël, mais qui pourrait faire son chemin au gouvernement américain, reste dans les cartons.
« Israël a perdu beaucoup de son poids et Benyamin Nétanyahou ne peut plus se considérer comme le seul grand visiteur à la Maison-Blanche. On assiste à une montée des puissances arabes et musulmanes qui sont devenues alliées des États-Unis.
« Mais une paix réelle pourra-t-elle s’installer sans que le Hamas soit puni pour ses actes terroristes et Israël, pour ce que des enquêteurs de l’ONU ont qualifié de génocide ?
« Le nombre de morts « vertigineux » « donne beaucoup de matière pour la justice internationale », relève le chercheur Julien Tourreille, qui se dit néanmoins pessimiste. « Je ne m’attends strictement à rien. »
« C’est un dossier qui est tellement sensible, avec un acteur tellement puissant – Israël. Et on a rarement vu la justice internationale aller à l’encontre de puissances significatives. »
Article intitulé
La fin du cauchemar ?
Louise Leduc
Avec l’Agence France-Presse, The New York Times, The Times of Israel
La Presse
le 9 octobre 2025

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