10 octobre 2025

Le prix Nobel de la paix ?

Pas que Donald Trump le mérite. Mais on en a vu obtenir le prix Nobel de la paix pour moins que ça.


« Qu’avait exactement accompli Barack Obama pour recevoir prématurément ce prix ? Il avait instauré un « nouveau climat » ?


« Trump n’a pas mis fin à « sept guerres », comme il le prétend. Mais l’accord de paix entre Israël et le Hamas porte son empreinte. Pour une fois, il ne ment pas s’il s’en vante.


« Un accord négocié de la manière la plus bizarre, par l’entremise de son gendre Jared Kushner et de son envoyé spécial Steve Witkoff, un de ses anciens avocats devenu milliardaire de l’immobilier, sans la moindre expérience dans les relations internationales.


Mais un accord tout de même.

« Fragile, sans doute. Le Hamas a promis la libération des otages, morts ou vifs. Mais ce groupe terroriste qui a juré la destruction d’Israël se désarmera-t-il vraiment ? Le gouvernement extrémiste de Benyamin Nétanyahou, considéré comme un criminel de guerre par la Cour pénale internationale, n’attend qu’une excuse pour poursuivre son opération de vengeance militaire, qui a fait des dizaines de milliers de morts civiles, semé la ruine et la famine.


« Il n’empêche que l’accord a été signé, voté même jeudi soir par le gouvernement de l’État hébreu.


Qui aurait pu prévoir un tel retournement ?

« Après les protestations timides de Joe Biden face à l’opération militaire israélienne à Gaza, le monde a vu Donald Trump offrir une carte blanche et un sauf-conduit à Nétanyahou. À part quelques petits reproches, Trump a autorisé, sinon approuvé, tout ce que le gouvernement d’extrême droite israélien a entrepris.


« Les États-Unis, tous présidents confondus, ont toujours été le plus proche allié d’Israël. Mais en Donald Trump, Nétanyahou avait trouvé un soutien qui semblait dépasser de loin le soutien militaire et politique. La porte était apparemment ouverte aux vues colonisatrices des nationalistes religieux israéliens et au nettoyage ethnique d’une « Palestine » qui à leurs yeux n’a jamais existé et ne doit jamais vivre.


« Le plan de « Riviera » proposé par Trump avec dessins à l’appui, l’hiver dernier, était ni plus ni moins un nettoyage ethnique. Même Nétanyahou n’en demandait pas tant.


« Jusqu’au 9 septembre, donc, tout semblait aller pour le mieux, du point de vue du gouvernement Nétanyahou. Les Américains s’étaient enfin décidés à bombarder les sites nucléaires iraniens – avant que Tsahal le fasse. Un coup dur pour le régime iranien, grand financier du terrorisme anti-israélien dans la région. 


« Le Hamas avait été mis à genoux. Le Hezbollah libanais, après une opération israélienne aussi brillante que meurtrière, avait été décapité – Nétanyahou a d’ailleurs remis à Trump un téléavertisseur en or, symbole de ce coup des services secrets.


Puis vint l’attaque militaire israélienne à Doha, au Qatar, visant les leaders du Hamas, le 9 septembre. Non seulement l’armée a raté ses cibles, mais elle a déclenché une suite d’évènements politiques imprévus.


Peut-être dira-t-on un jour les vertus géopolitiques de la corruption ?

« C’est un fait en tout cas que le Qatar, cette petite monarchie de trois millions d’habitants, a offert l’hiver dernier à Trump un avion Boeing d’une valeur de 400 millions (US, bien sûr). Un simple cadeau, sans rien demander en retour !


« La Trump Organization était aussi très excitée en avril d’annoncer dans l’émirat la construction d’un terrain de golf, avec développement immobilier de luxe à la clé.


Ça crée des liens…

« Aussi l’émir du Qatar, le cheik Tamim ben Hamad Al-Thani, a-t-il appelé Donald Trump pour exprimer sa colère face à l’attaque militaire israélienne dans son pays il y a un mois. Quand Nétanyahou s’est rendu à la Maison-Blanche la semaine dernière, Trump l’a forcé à appeler au Qatar pour présenter ses excuses. L’accord de paix a ensuite été enfoncé dans la gorge de Nétanyahou, tandis que les pays arabes forçaient le Hamas à l’accepter de son côté.


« Probablement que Nétanyahou n’avait pas vu venir ce retournement de situation. Mauvais calcul de sa part ? Sentiment de toute-puissance ?

Avec Trump, rien n’est vraiment idéologique. Tout est personnel.


«On a vu Nétanyahou par le passé faire fi des réprimandes d’Obama et de Biden. Mais si le président le moins critique des actions du gouvernement israélien le plus extrémiste finit par dire « ça suffit », cette fois il n’y a plus d’options. On signe.


Est-ce que pour autant la paix sera durable ? 

« Il faudrait être naïf ou cinglé pour l’affirmer. Ce gouvernement israélien, qui inclut des extrémistes religieux fanatiques, a juré qu’il n’y aurait jamais d’État palestinien, ce qui est une condition pour une paix durable. Le Hamas, de son côté, n’a pas renoncé à son idéologie antisémite nihiliste.


« Mais du moins, il y a un accord. Les otages encore en vie seront remis à leurs proches. Les armes vont se taire un temps. Et peut-être qu’un semblant de vie normale pourra reprendre.


« Et Donald Trump aura le droit de s’en vanter.»


Chronique intitulée

Le «Nobel» de Trump

Yves Boisvert

le 10 octobre 2025

La Presse

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire