02 octobre 2025

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« Pour la première fois depuis 2019, le gouvernement américain est tombé en paralysie budgétaire mercredi, faute d’entente au Sénat. Des centaines de milliers de fonctionnaires doivent se retrouver au chômage technique, et les services gouvernementaux considérés comme non essentiels sont mis sur pause. Explications.


Qu’est-ce qui est paralysé, exactement ?

«Comme le Sénat n’a pas réussi à adopter un texte budgétaire avant le 30 septembre à 23 h 59, le gouvernement américain s’est retrouvé en shutdown : les fonds dépendant du Congrès ne peuvent plus être alloués. Ça veut dire qu’environ 750 000 fonctionnaires devaient se retrouver au chômage technique, selon le Bureau budgétaire du Congrès, entraînant des fermetures de services et des ralentissements.


« Les employés fédéraux considérés comme essentiels – les contrôleurs aériens, par exemple – doivent continuer à travailler, mais sans rémunération durant la paralysie. Une rétroaction est versée une fois l’impasse dénouée. Même si la sécurité sociale et le courrier sont des services fédéraux, ils ne sont pas directement affectés, parce qu’ils ne dépendent pas du budget voté annuellement. Mais la paralysie touche tout de même une bonne part des services gouvernementaux.


« Il y a beaucoup de choses qui dépendent du gouvernement fédéral et les gens ne s’en rendent pas compte, comme aider à maintenir les routes ou la réglementation sur la sécurité alimentaire », note Jennifer Selin, professeure de droit à l’Arizona State University. Il faut donc s’attendre à des files d’attente dans les aéroports, des sites touristiques nationaux fermés, un retard dans les inspections alimentaires.


Pourquoi les deux parties n’arrivent-elles pas à s’entendre ?

« L’impasse touche surtout le secteur de la santé : les démocrates souhaitent prolonger des subventions pour rendre l’assurance maladie plus abordable, et les républicains refusent. Une rencontre a eu lieu mercredi entre Donald Trump et les leaders démocrates Chuck Schumer et Hakeem Jeffries – à l’occasion, ces élus ont relevé la présence de casquettes rouges signées « Trump 2028 » dans le bureau présidentiel, même si la Constitution lui interdit de se présenter pour un troisième mandat.


Quel est le mécanisme pour en sortir ?

« Même si les républicains ont une majorité de 53 sièges sur 100 au Sénat, il faut d’abord obtenir 60 votes pour clore les débats et passer au vote pour l’adoption du texte budgétaire – pour lequel une majorité simple est suffisante. Deux démocrates, Catherine Cortez Masto, du Nevada, et John Fetterman, de Pennsylvanie, se sont ralliés aux républicains. Tout comme le sénateur indépendant du Maine, Angus King, qui se joint habituellement aux caucus démocrates. Un seul sénateur républicain, Rand Paul, du Kentucky, s’est opposé à la clôture des débats.


« Un nouveau vote est prévu vendredi ; les démocrates risquent de subir des pressions pour les convaincre de changer leur choix. Les républicains pourraient aussi modifier les règles qui exigent 60 appuis avant de passer au vote pour contourner le refus démocrate. « Ce serait considéré comme un changement très profond », note Jennifer Nicoll Victor, professeure agrégée de sciences politiques à la Georges Mason University.


Comment la vision de Trump pourrait-elle changer la donne ?

« L’administration Trump pourrait avoir l’impression que la paralysie joue en sa faveur, dit Mme Victor. Elle essaie déjà de réduire la taille du gouvernement et de réduire le rôle du Congrès de toute façon. » L’administration a annoncé des licenciements massifs, pour éviter les mises au chômage technique. Un geste vu comme une tentative d’intimidation par les démocrates.


« Une autre façon de voir la situation, c’est qu’il y a eu tellement de violations de l’État de droit par l’administration Trump ces derniers mois que, de l’avis de beaucoup, les États-Unis ne sont plus considérés comme un régime démocratique, et se rapprochent de ce que les politologues appellent un régime autoritaire compétitif, où le pouvoir exécutif est beaucoup plus concentré, explique Mme Victor. Et nous n’avons jamais connu de paralysie sous un régime autoritaire compétitif. »


« Le calcul démocrate est d’autant plus périlleux : si Trump profite de la paralysie pour consolider son pouvoir, sa base pourrait en vouloir au parti de lui avoir laissé le champ libre. Si les élus démocrates permettent le vote en faveur d’un texte budgétaire inacceptable aux yeux de leurs électeurs, leur base pourrait leur en vouloir.


Et la pression sociale ?

« C’est l’inconnu qui pourrait déterminer la longueur de la paralysie. En décembre 2018 et en janvier 2019, durant le premier mandat de Trump, le blocage a duré 35 jours, un record. Coincés financièrement, des travailleurs essentiels, notamment dans les aéroports, avaient commencé à se porter malades, parce qu’ils ne pouvaient pas s’offrir les services de gardiennage pour leurs enfants ou les frais de transport, par exemple. Entraînant des retards et des annulations.


« Ça a créé assez de pression pour pousser le Congrès à finalement arriver à un accord », remarque Mme Victor. Mais avant d’en arriver là, ça prend généralement du temps. « Si des perturbations touchent des domaines chers aux républicains, comme l’application de la loi sur l’immigration, il pourrait y avoir plus de pression pour que les républicains négocient », estime Jennifer Selin.»


Article intitulé

Paralysie budgétaire - Un pari risqué

Janie Gosselin

avec l’Agence France-Presse

La Presse

le 2 octobre 2025

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