17 mai 2025

Le plan d’Israël: l’éradication d’un peuple


 « Il y a pire que la famine. Il y a la famine voulue, organisée. Suivant un objectif froid : la disparition d’un peuple.


« Ce qui se déroule sous nos yeux dans la bande de Gaza est un acte d’une cruauté sans nom. L’État israélien a bloqué tous les accès, a arrêté tous les convois humanitaires, a mis hors-la-loi l’organisation internationale jusqu’ici chargée de distribuer l’aide et a poussé un Palestinien sur cinq, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), à la sous-alimentation.


«Depuis mars, au moins 57 enfants y sont morts des effets de la malnutrition, 17 000 femmes enceintes et allaitantes sont menacées de souffrir de malnutrition aiguë. C’est, dit l'OMS, l’« une des pires crises alimentaires au monde ». Avec cette différence qu’ailleurs, le climat ou la pauvreté en sont la cause. À Gaza, c’est la politique.


« Et il n’est pas question ici d’un effet passager, qui s’effacera après un bon repas. Imposer une malnutrition à un enfant a des conséquences immédiates — affaiblissement du système immunitaire, donc propension à développer des problèmes médicaux — et à long terme — retard de croissance, troubles du développement cognitif, problèmes chroniques de santé. « En l’absence d’aliments nutritifs en quantité suffisante, d’eau propre et d’accès aux soins de santé, une génération entière sera affectée de manière permanente », a mis en garde le Dr Richard Peeperkorn, le représentant de l’Organisation mondiale de la santé pour les territoires palestiniens occupés.


« Cette situation n’est pas l’effet secondaire de la guerre que mène Israël contre le groupe terroriste Hamas depuis son barbare attentat d’octobre 2023. Non, elle fait partie d’une stratégie assumée de réduction du nombre de Palestiniens. Ils sont mis devant un choix : souffrir ou partir.


« Dans les jours qui viennent, l’armée israélienne étendra son invasion terrestre de Gaza. Les deux millions d’habitants du lieu seront refoulés dans une région du sud du territoire qui ne fait pas le quart de leur ancienne patrie. Début mai, le ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich, a clairement indiqué le plan : « Nous occuperons Gaza pour y rester. Il n’y aura plus d’entrée ni de sortie. »


[...]


« Israël vient de modifier sa législation pour permettre aux Israéliens d’acheter facilement des propriétés sur 60 % du territoire de la Cisjordanie. Le journal français Les Échos rapporte qu’un record de 10 000 permis de construction pour des colons juifs en Cisjordanie ont été délivrés depuis le début de l’année, plus que pour toute l’année précédente. Des projets de loi sont également à l’étude pour réduire les revenus de douane (perçus par Israël, mais dus à l’Autorité palestinienne, ce qui affaiblira cette dernière), ainsi que pour changer le nom officiel du territoire pour « Judée-Samarie », le nom biblique israélien.


« Il s’agit donc d’une annexion rampante, graduelle, mais désormais désinhibée, du territoire palestinien de Cisjordanie. Cela tombe bien : le nouvel ambassadeur américain en Israël, le pasteur Mike Huckabee, a toujours soutenu que l’expansion d’Israël en Cisjordanie traduirait la volonté divine. (Au total, il y a trois millions de Palestiniens en Cisjordanie 

et 500 000 colons juifs.)


« L’opération militaire qui se déclenchera dans les prochains jours à Gaza mettra l’Occident devant un dilemme. Aucune pression — politique, diplomatique, économique — ne pourra alors modifier le cours du massacre à venir. Il est particulièrement effarant de constater qu’un peuple décimé par la solution finale hitlérienne, et qui s’en est héroïquement relevé, met à son tour en œuvre une stratégie d’éradication d’un autre peuple. Cela lui vaudra-t-il d’être accusé de commettre un génocide ? La question paraît de plus en plus inévitable. Le gouvernement israélien a choisi d’assumer. Devenir un État paria, avec la bénédiction de la plus grande puissance mondiale, les États-Unis, ne l’émeut plus.


« Nous, oui. »


Extraits de la chronique intitulée

Le dernier Palestinien

Jean-François Lisée


Le Devoir

le 17 mai 2025

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