« Guide suprême de la République islamique aux pouvoirs inégalés dans le pays, l’ayatollah Ali Khamenei s’est adressé aux Iraniens par le truchement d’un message télévisé vendredi. Il a promis de faire payer très cher à l’État hébreu ses attaques contre des dizaines de cibles à travers l’Iran.
« Nous ne ferons preuve d’aucune indulgence. La vie sera très sombre pour [les Israéliens] », a dit le religieux de 86 ans, avant de promettre d’infliger de « durs coups » à Israël, qui a « déclenché la guerre ».
« Alors que son message était diffusé, des dizaines de missiles balistiques iraniens atteignaient le ciel israélien. Des explosions se faisaient entendre de Tel-Aviv à Jérusalem.
« Le bras de fer qui s’annonce entre Israël et l’Iran depuis 20 ans semble maintenant résolument commencé. Et l’Iran tente de projeter une image de puissance régionale en pleine possession de ses moyens.
« Le problème, c’est que c’est difficile d’y croire. « Le régime [de Téhéran] est à bout de souffle, à genoux. Il était déjà fragilisé [avant les frappes], et là, Israël a décapité les forces armées », m’a dit vendredi Pierre Pahlavi, directeur du département de la sécurité et des affaires internationales au Collège des Forces canadiennes de Toronto. Ont péri le chef d’état-major des forces armées, le commandant en chef des Gardiens de la révolution ainsi que le commandant de l’aile aérospatiale de ce groupe armé directement sous la gouverne du Guide suprême, parmi d’autres.
« Expert de l’Iran et de sa politique étrangère, Pierre Pahlavi note aussi que des quatre piliers de sécurité dont s’est entouré le régime pour assurer sa survie, trois sont lourdement endommagés, si ce n’est littéralement détruits. Les groupes armés auxquels l’Iran est affilié – dont le Hamas et le Hezbollah – ont tous subi de lourdes pertes aux mains d’Israël. L’arsenal de missiles balistiques et de drones de l’Iran a fait chou blanc lors d’une réplique précédente contre Israël. Son programme nucléaire – qui est au cœur des hostilités actuelles – est en train d’être détruit par les frappes et les explosions orchestrées par l’armée israélienne et ses services secrets. « Il ne reste que ses capacités de cyberattaque, mais ça reste limité comme dommages », constate le politologue.
« L’Iran a une des plus grandes armées de la région, mais cette dernière est sous-financée. « Le budget de la défense iranienne est l’équivalent du budget de la Ville de Toronto, environ 15 milliards par année », note l’expert.
« Et ce n’est pas tout. Au Moyen-Orient, aucun pays ne sera enclin à se porter à la défense de la République islamique. Le dernier régime ami, la Syrie de Bachar al-Assad, n’existe plus.
« Et que dire du soutien politique au régime à l’interne ? Il ne dépasse pas les 20 % au sein de la population iranienne, qui n’en peut plus de la répression politique ni de la dérive économique du pays.
« En d’autres termes, « les ayatollahs sont nus », conclut Pierre Pahlavi, et Israël semble avoir exploité à son avantage ce moment de grande faiblesse en déclenchant un conflit ouvert en l’absence de provocation directe.
« Dans ces circonstances, est-ce que la violente confrontation avec Israël pourrait mener à un changement de régime à Téhéran ? À l’effondrement de la théocratie qui tient le pays en étau depuis 45 ans ?
« C’est du moins ce que souhaite Benyamin Nétanyahou. Vendredi, le premier ministre israélien s’est adressé directement à la population iranienne, affirmant que l’opération militaire israélienne n’est pas dirigée contre elle, mais contre les dirigeants islamistes, et que dans la foulée, elle « ouvre la voie pour [qu’ils] obtiennent leur liberté », les appelant à se mobiliser et à descendre dans les rues pour s’opposer au régime.
« Sur les réseaux sociaux, le message du leader israélien a été reçu avec scepticisme et dérision par beaucoup. « Vous voulez nous libérer en bombardant des immeubles résidentiels comme vous libérez Gaza ? », a écrit une internaute sur X, dénonçant des pertes civiles en Iran depuis le début de l’offensive israélienne.
« D’autres soulignent qu’ils voudraient voir le régime tomber, mais pas à n’importe quel prix. Pas sous les bombes d’un État voyou qui s’en prend à ses voisins depuis des mois, que ce soit la Syrie ou le Liban.
« Ça compte pour les Iraniens de savoir qui va faire tomber le régime. Un gouvernement mis en place par Israël n’aurait aucune crédibilité, estime Pierre Pahlavi. Les Iraniens ont beaucoup plus de fierté que ça. »
«Oui, les ayatollahs sont nus, mais en se mettant la population à dos, Israël pourrait les aider à se rhabiller.»
Chronique de Laura-Julie Perreault
La Presse
le 13 juin 2025, 19h30

Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire