« Téhéran. Natanz. Tabriz. Ispahan. Kermanshah. Téhéran encore. Les bombes ont commencé à pleuvoir sur l’Iran dans la nuit de jeudi à vendredi dans la plus grande attaque jamais orchestrée par Israël contre la République islamique.
« L’attaque elle-même n’est pas une surprise. Jeudi, le président américain, Donald Trump, avait affirmé qu’il était possible qu’Israël lance l’assaut contre l’Iran, et ce, même si la Maison-Blanche est en pleines négociations avec Téhéran. Des sources américaines ont aussi révélé au New York Times plus tôt cette semaine que les forces armées de l’État hébreu étaient prêtes à passer à l’action, affirmant vouloir réduire à néant le programme nucléaire iranien.
« Malgré les avertissements, il aurait cependant été difficile de prévoir l’ampleur des frappes.
«Au moment d’écrire ces lignes, la liste des morts en Iran s’allongeait de minute en minute. Les médias officiels iraniens confirmaient la disparition du commandant en chef des puissants Gardiens de la révolution, le général Hossein Salami, tout comme celle du commandant adjoint des forces armées iraniennes, le général Gholam Ali Rashid. Des scientifiques nucléaires et des civils seraient aussi parmi les premières victimes.
« Et tout ça n’est que le début, a dit le premier ministre Benyamin Nétanyahou. L’opération « Lion qui se lève » pourrait durer plusieurs jours. Du jamais vu. Et le danger qui accompagne cette escalade est lui aussi complètement inédit.
« Israël et l’Iran, qui ont été des alliés à l’époque du shah d’Iran, sont des ennemis jurés depuis l’établissement de la République islamique en 1979. Et ils se livrent une guerre des nerfs depuis. Surtout par procuration.
L’Iran soutient directement le Hamas à Gaza, le Hezbollah au Liban, des milices chiites en Irak et les houthis du Yémen, qui, eux, à leur tour, défient Israël.
« Israël, pour sa part, a maintes fois attaqué des cibles iraniennes en Syrie et au Liban, notamment. On attribue à l’État hébreu l’assassinat ciblé de plusieurs scientifiques nucléaires iraniens.
« Cette confrontation est devenue directe et a monté de plusieurs crans depuis les attentats du Hamas en Israël le 7 octobre 2023. On a craint le pire quand, en avril 2024, l’Iran a lancé 300 drones vers Israël en réponse à l’attaque israélienne contre son ambassade à Damas.
« Ou encore quand, en juillet dernier, un des chefs du Hamas, Ismaïl Haniyeh, a été assassiné à Téhéran où il était l’invité du nouveau président iranien. Dans les deux cas, la guerre régionale a été évitée. L’Iran a étonnamment fait montre de retenue. L’administration Biden avait aussi travaillé fort pour calmer le jeu du côté israélien.
[...]
« Israël a tenté d’obtenir l’assentiment de Donald Trump pour attaquer l’Iran au cours des dernières semaines, mais s’est buté à des refus répétés. Aux premières heures des frappes israéliennes contre l’Iran, le secrétaire d’État Marco Rubio a pris ses distances d’Israël. Il faudra voir si la plus grande armée du monde restera sur les lignes de côté ou si elle interviendra, même à contrecœur, pour protéger son plus grand allié au Moyen-Orient.
« Et comment réagiront les autres alliés d’Israël, comme la Grande-Bretagne, la France et, accessoirement, le Canada ?
« Ces derniers ont tous exprimé leur exaspération à l’égard de la dérive de l’opération militaire israélienne dans la bande de Gaza, où près de 2 millions de Palestiniens vivent au bord du précipice de la famine. Seront-ils prêts à fermer les yeux sur les allégations de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité pour appuyer Israël malgré tout ?
« Une chose est claire. Le gouvernement israélien vient de prendre un pari risqué, et ce, sans connaître toutes les cartes qu’il a en main. D’autant que Benyamin Nétanyahou et ses alliés d’extrême droite, en plus d’être critiqués internationalement, ont perdu des plumes sur la scène politique israélienne cette semaine, sortant affaibli d’un vote de confiance.
« Dans un tel contexte, une attaque contre l’Iran devient automatiquement une diversion, mais une diversion qui porte en elle le fort potentiel d’un déraillement régional. Voire mondial.»
Extraits de la chronique intitulée
Frappes israéliennes en Iran - Le pari de tous les dangers
Laura-Julie Perreault
La Presse
le 13 juin, publié à 5 h
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