22 septembre 2025

Lettre aux chrétiens, aux évangéliques...

« Quand j’aurais toute la foi jusqu’à transporter des montagnes, si je n’ai pas l’amour, je ne suis rien. »


« Vous faites pas mal les manchettes ces temps-ci ! Vous avez notamment inspiré un dossier dans La Presse sur les tradwives. Votre existence semble, comme c’est le cas pour plusieurs sujets actuellement, polariser les opinions. Dans les médias ou sur les réseaux sociaux, on vous associe à la montée de la droite, aux valeurs traditionnelles et conservatrices, à un recul des droits des femmes et à ceux des communautés LGBTQ+. Si toutes ces questions sont ô combien importantes, je ne peux m’empêcher de penser que le cœur du problème n’est jamais vraiment abordé.


« Je me permets de le faire aujourd’hui parce que le contexte social et politique m’y oblige, le statu quo n’est plus défendable. Si je prends la parole, c’est d’une position particulière : j’ai fait partie de vos rangs pendant 20 ans. J’ai grandi dans l’église, fréquenté les camps chrétiens, l’école chrétienne et je suis allée à l’école biblique. J’ai finalement rompu les rangs à la suite de mon coming out. Ma famille est encore pratiquante et il y a des gens pour qui j’ai encore beaucoup de respect dans l’Église.


« Il est clair pour moi, ex-chrétienne-mais-en-bons-termes, qu’on passe à côté de l’essentiel dans les débats actuels. Le talon d’Achille du christianisme n’est évidemment pas la foi ou ses valeurs traditionnelles. Ne sommes-nous pas, tous et chacun, habités à un système de croyances et de valeurs ? Non, le problème des chrétiens, c’est leur manque d’humilité.


« N’est-il pas présomptueux de prétendre être capable d’interpréter la volonté de Dieu ? Inutile de rétorquer que « Dieu se révèle par les Écritures, l’Esprit-Saint, la conscience et la nature ». Les chrétiens seraient beaucoup plus pacifiques s’ils suivaient vraiment ce que la nature leur révélait ! En étant convaincus de comprendre ces révélations, vous pensez détenir la Vérité. Ce faisant, vous oubliez que l’acte de foi est un choix, celui de croire sans certitude. Un choix que vous faites mais qui est retenu contre ceux qui ne font pas le même.


« Je m’explique : à l’échelle individuelle, cette grande conviction ne fait pas trop de mal ; le respect prône généralement dans les interactions quotidiennes avec « le monde ». En petit groupe (une église locale, par exemple), une organisation interne se crée et, déjà, un certain contrôle s’opère, impliquant discipline, retranchement et interdictions pour celles et ceux qui n’intègrent pas le cadre. Dans la sphère publique, on peut retrouver une mobilisation et des revendications politiques. Vous vous positionnez contre l’avortement, le mariage gai et les droits des personnes LGBTQ+. Si elles ne me font pas particulièrement plaisir, ces prises de position ont le droit d’exister dans une démocratie.


« Là où, toutefois, je m’inquiète franchement, c’est lorsque ces revendications s’accompagnent de discours violents, rétrogrades et haineux. Lorsque des gens se réclamant chrétiens et se présentant comme défenseurs de la foi appuient ces discours. Je suis bien consciente que la plupart des évangéliques de mon entourage ne s’y identifient pas. Je suis toutefois inquiète et choquée lorsque ces mêmes personnes prennent la parole pour minimiser ces discours, les excuser, les rationaliser ou les « remettre dans leur contexte ».


« Je me demande souvent comment, aux États-Unis, le « christianisme » a pu être associé à l’élection d’un homme ouvertement misogyne, raciste et violent qui se moque de la vie humaine. Comment un homme qui, à mon sens, représente l’antithèse des valeurs bibliques telles qu’on me les a enseignées a-t-il pu aller chercher une base évangélique si grande ? Dans quelle mesure les chrétiens laissent-ils leur nom être instrumentalisé ? Où est passé le message d’amour et de grâce de la foi ? Je suis inquiète qu’un mouvement similaire ne se répète au Québec.


« Chrétiens et évangéliques, si on parle tant de vous dans les médias actuellement, si vous-même prenez la parole sur tant de sujets : pourquoi n’est-ce pas le message de l’Évangile qui résonne ? Est-ce vraiment à moi, ex-chrétienne, de vous le demander ? Êtes-vous en mesure de distinguer ce qui appartient au domaine politique et à celui de votre foi ? Êtes-vous capables de ce courage et de cette humilité ? Je n’en appelle pas à un renoncement de vos valeurs et croyances, mais à un retour à leur source.


« Quand j’aurais toute la foi jusqu’à transporter des montagnes, si je n’ai pas l’amour, je ne suis rien. » – 1 Corinthiens 13 :2


Lettre d’opinion intitulée

Chers chrétiens, chers évangéliques, il faut qu’on se parle

Pénélope Tessier

Le Devoir

le 20 septembre 2025

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