29 septembre 2025

Lettre d’opinion - Réapprendre à vivre ensemble

« Le désordre mondial actuel a de quoi angoisser n’importe quel esprit serein. La pesanteur d’une entropie en marche, le cri strident du dysfonctionnement des démocraties libérales, l’essoufflement saccadé d’un système dépassé contemplant avec stupeur l’accélération qu’il a provoquée. Voilà le tableau que brossent les médias devant les événements qui s’enchaînent, les vérités qui se diluent, les réalités qui se fragmentent… Et au milieu de tout ce fatras, des populations en transe, hypnotisées par les écrans, incapables de discerner les contradictions et les mensonges éhontés des discours populistes.


« Cet état de sidération coupe l’individu de lui-même et des autres pour le brancher à la drogue dure des messages violents des impuissants de ce monde. Oui, les impuissants, ceux qui ont le pouvoir, mais pas le cœur ni le courage d’œuvrer pour le bien commun et non pour leur ego boursouflé. Qu’auront-ils apporté au monde si ce n’est désolation, guerre et injustices sociales ? Une chance qu’ils ne sont pas immortels ; mais leurs idées, leurs combats idéologiques, eux, sont bel et bien pérennes.


« Face à ces architectes du chaos, nous devons apprendre à résister. Résister à la violence, à la tentation de penser détenir la vérité. Résister à la haine, au mépris de l’autre. Résister aux discours déshumanisants, aux clivages dissonants. Mais nous devons d’abord nous sortir de cet état de sidération, retrouver notre liberté intérieure, échapper à la transe collective, en déconnectant notre cerveau des algorithmes qui rythment et dictent notre mode de vie.


« Réapprendre à faire société ensemble au lieu d’envisager l’autre comme un intrus, un voleur, un étranger à mépriser. Réapprendre à se parler, à débattre, même quand nos idées divergent, surtout quand nos idées divergent, en fait. Accepter d’être déstabilisé, se forcer à penser autrement, mieux, à penser contre soi-même.


« En tant qu’enseignante, je sais l’importance d’apprendre à mes élèves à collaborer, à communiquer et à créer ensemble, à exercer leur pensée critique. Ces compétences sont déterminantes dans ce nouveau monde en train de s’enfanter dans la douleur des inégalités sociales et des guerres inutiles. Guerre inutile, un pléonasme évident, mais, hélas, notre époque préfère l’oxymore « guerre propre ».


« Si ma passion reste intacte, malgré les difficultés d’un système éducatif écorché à vif, c’est parce que je crois intimement que chaque élève porte en lui la promesse d’un avenir meilleur. Cette conviction est le moteur de tous ceux qui travaillent en éducation.


« Les vrais puissants de ce monde, ce sont les faiseurs de paix, ceux qui ont le courage d’affronter la réalité au lieu d’ergoter dans le vide. On n’entend pas leur voix, couverte par les éructations de ceux qui prônent la violence et la haine. Mais elle existe, elle agit au jour le jour, dans l’humilité et les gestes simples de ceux qui œuvrent pour la dignité humaine. Ils bâtissent des ponts et non des murs.»



Lettre d’opinion intitulée

Le courage de penser contre soi-même

Rahouadja Zarzi

enseignante

Le Devoir

le 27 septembre 2025

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire