04 août 2025

Assez c’est assez


L’ancien chef d’antenne estime que l’engagement de Mark Carney de reconnaître l’existence d’un État palestinien risque de ne jamais être tenu, étant donné les conditions irréalistes que le premier ministre exige pour aller de l’avant.

« Assez, c’est assez ! » Nous connaissons tous cette expression synonyme d’exaspération. L’élan de solidarité déclenché la semaine dernière par le président français Emmanuel Macron en annonçant que la France allait reconnaître l’État palestinien a été suivi, certes, mais si timidement par le Royaume-Uni et le Canada que l’on se demande si cet « assez, c’est assez » en fera assez.


« L’engagement du premier ministre britannique est assorti d’un « sauf si Israël et le Hamas opèrent un cessez-le-feu à Gaza ». Cela veut-il dire que sans cette condition, le Royaume-Uni ne reconnaîtrait plus la Palestine ?


« Quant à l’engagement pris par le premier ministre canadien Mark Carney, il est empreint de conditions à ce point irréalistes, telles la tenue d’élections menées par l’Autorité palestinienne dès 2026, le désarmement complet du Hamas et même l’interdiction de sa présence dans un éventuel gouvernement de Palestine, qu’il est difficile de croire à son succès. D’autant plus que le gouvernement d’Israël, sous Benyamin Nétanyahou, refuse toute existence d’un État palestinien.


« J’ai également constaté la très grande retenue de M. Carney lors de son point de presse du 30 juillet à l’endroit du gouvernement Nétanyahou en matière d’aide alimentaire aux Gazaouis, ou encore de la violence des colons israéliens à l’endroit des Palestiniens en Cisjordanie. Était-ce pour ne pas déplaire à la communauté juive canadienne, ou encore pour éviter de froisser le président Donald Trump, allié inconditionnel de Benyamin Nétanyahou ? 


« Chose certaine, cette retenue n’a pas donné grand-chose quand on voit la réaction de M. Trump qui menace maintenant de punir le Canada pour oser reconnaître l’État palestinien.


« La lettre des 173 ex-diplomates canadiens publiée la veille va beaucoup plus loin1. Ils et elles demandent même au Canada de forcer Israël à respecter ses responsabilités en vertu du droit international, à défaut de quoi le Canada suspendra l’accord de libre-échange Canada-Israël.


« Et, contrairement à M. Carney, on appelle les choses par leur nom dans cette lettre : déplacements massifs, bombardements aveugles, famine des civils palestiniens, violentes attaques menées par les colons extrémistes en Cisjordanie, tout en n’oubliant pas la cruauté barbare du Hamas en octobre 2023 et l’horrible détention, toujours, de plus de 40 otages dans les tunnels de Gaza.


« Au fait, quelle est la taille du Hamas ? Quelle est la part de la population palestinienne qui l’appuie vraiment ? On ne le sait pas. Benyamin Nétanyahou était convaincu de pouvoir éradiquer le Hamas. 


« À ce jour, il a échoué. Et aujourd’hui, son obstination a pour résultat ce que de plus en plus de gens appellent un génocide du peuple palestinien.


« Durant ma carrière de plus de 40 années comme journaliste, j’ai suivi quotidiennement et parfois même couvert le conflit israélo-palestinien. Notamment les Accords d’Oslo au début des années 1990 qui avaient donné un certain espoir. Rappelez-vous la chaude poignée de main entre Yasser Arafat et Yitzhak Rabin. Un espoir rapidement devenu vain, malheureusement, en 1995, lorsqu’un étudiant israélien extrémiste a assassiné le premier ministre Rabin. Et d’année en année, par la suite, un espoir perdu. Un espoir que je n’ai jamais retrouvé, personnellement.


« Assez, c’est assez de voir des enfants décharnés, un pays en ruines, plus de 60 000 morts ? Oui, c’est assez, mais il faudra beaucoup plus que des mots. Relisez la lettre des 173 ex-diplomates canadiens. Elle propose à M. Carney des actions très concrètes. Osera-t-il les mettre en œuvre ? Voudra-t-il faire davantage qu’« entrer dans la parade » ?


Lettre de Simon Durivage

journaliste à la retraite

La Presse

le 4 août 2025

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