« Le Canada avait promis d’agir pour Gaza, mais en tardant toujours à passer de la parole aux actes, il permet que la tragique souffrance du peuple palestinien se prolonge, dénoncent les signataires.
« Depuis près de deux ans, la population de Gaza est soumise à une violence implacable sous toutes ses formes. La famine n’est plus une abstraction, mais une tragique réalité. Le peuple palestinien meurt de faim parce que le gouvernement israélien continue de bloquer l’entrée d’une aide suffisante, d’imposer des restrictions aux organisations humanitaires et d’intensifier ses opérations militaires. Pour Israël, l’aide elle-même est devenue une tactique militaire létale et déshumanisante. Des milliers de personnes cherchant de l’aide ont été tuées. En Cisjordanie, l’expansion des colonies et les annexions s’accélèrent sans entraves, perpétuant davantage les violations du droit international.
« Pendant ce temps, le Canada multiplie les déclarations, se disant préoccupé, mais celles-ci ne s’accompagnent toujours pas d’actions décisives à la hauteur de la gravité de la crise.
« En mai, le Canada, aux côtés de la France et du Royaume-Uni, avait promis de prendre des « mesures concrètes » si Israël ne mettait pas immédiatement fin à son offensive militaire à Gaza, ne levait pas les restrictions sur l’aide humanitaire et ne mettait pas fin à l’expansion de ses colonies. Israël a ignoré chacune de ces demandes. Son assaut s’est intensifié, la famine s’est propagée et les plans d’expansion des colonies vont bon train.
« Encore une fois, le Canada condamne et se dit préoccupé, mais ces mots sont vides de sens puisqu’ils ne sont pas accompagnés de mesures concrètes. Sanctionner deux ministres israéliens a peut-être été une première diplomatique pour Ottawa, mais cela n’a en réalité entraîné que peu ou pas de coûts pour le gouvernement israélien – tout comme la promesse canadienne de reconnaître un État palestinien, alors même que son territoire continue de se réduire face à l’accélération du projet colonial israélien.
Famine
« L’inaction n’est pas une abstraction. Elle se traduit directement en vies perdues. Il y a quelques semaines, après de multiples avertissements, le Comité de révision de la classification intégrée de la sécurité alimentaire (IPC) a confirmé que la famine s’était installée dans la ville de Gaza et qu’elle devrait s’étendre à Khan Younès et Deir al-Balah d’ici la fin du mois. Jusqu’à présent, au moins 432 personnes sont mortes de faim, tandis que 2504 ont été tuées en tentant d’obtenir de l’aide pour, justement, ne pas mourir de faim.1
« Entre-temps, Israël poursuit les bombardements et les déplacements forcés de population. Plus de 10 enfants perdent une ou deux jambes chaque jour à Gaza, faisant de ce territoire l’endroit où se trouve le plus grand nombre d’enfants amputés au monde. Les humanitaires font face à des risques de plus en plus grands alors qu’Israël impose de nouvelles exigences illégales pour les ONG internationales. Ces restrictions visent clairement à délégitimer les organisations humanitaires et à entraver davantage l’aide, accélérant les souffrances à grande échelle.
« Le gouvernement du Canada est au fait de ces réalités. Le 23 août, le secrétaire d’État au Développement international, Randeep Sarai, a reconnu à juste titre qu’Israël, en tant que puissance occupante, ne respectait pas ses obligations en vertu du droit international, notamment le devoir de garantir l’accès à une nourriture et à des soins médicaux adéquats. Il a décrit la famine comme « une réalité dévastatrice » et a admis que seul un accès humanitaire sans entraves pouvait l’inverser. Et pourtant, le Canada ne s’est limité qu’à des déclarations et des gestes symboliques tels que des largages aériens chaotiques et inadéquats, un effort dérisoire alors que des personnes continuent de mourir de faim.
«Les mots, aussi forts soient-ils, ne nourriront pas les enfants affamés. Ils n’ouvriront pas les points de passage bloqués et n’empêcheront pas la famine de progresser.
« En promettant des « mesures concrètes » puis en évitant d’agir, le Canada n’est pas simplement négligent, il est complice. Chaque jour d’inaction supplémentaire envoie à Israël le message qu’il peut entraver l’aide, affamer une population civile et étendre ses colonies sans risquer de conséquence. La crédibilité du Canada comme défenseur du droit international humanitaire s’érode à mesure qu’il refuse d’agir sur ses engagements.
« Les organisations signataires travaillent en première ligne de cette crise. Nous appelons le gouvernement du Canada à tenir parole et à mettre en œuvre des mesures fortes et concrètes pour obliger Israël à rendre des comptes. Le Canada doit exercer une pression réelle afin de garantir un accès humanitaire complet, immédiat, sûr et durable, lever les restrictions illégales imposées aux ONG et mettre un terme aux actions qui consolident l’occupation, l’annexion et la dépossession.
« Les Canadiennes et les Canadiens s’attendent à ce que leur gouvernement défende les droits de la personne et l’État de droit. Aujourd’hui, cela exige plus que des déclarations. Cela exige un leadership à la hauteur de l’urgence de la crise. Ce leadership doit prendre au sérieux les engagements pris en mai et les mettre en œuvre. Tout le reste équivaut à une complicité dans une famine intentionnelle et un assaut délibéré contre les principes humanitaires.»
Béatrice Vaugrante
directrice générale d’Oxfam-Québec et neuf cosignataires*
Cosignataires : Barbara Grantham, directrice générale, CARE Canada ; Kate Higgins, directrice générale, Coopération Canada ; Carl Hétu, directeur général, Développement et Paix – Caritas Canada ; Nadja Pollaert, directrice générale, Médecins du Monde Canada ; Anne Delorme, directrice générale, Humanité & Inclusion Canada ; Tufail Hussain, chef de la direction, Islamic Relief Canada ; Anna Vogt, directrice du plaidoyer et des politiques, Mennonite Central Committee Canada ; Lauren Ravon, directrice générale, Oxfam Canada ; Danny Glenwright, président et chef de la direction, Save the Children Canada
Lettre d’opinion intitulée
L’inaction du Canada le rend complice
La Presse
Le 20 septembre 2025
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