05 juillet 2025

Les marchés financiers osent gâcher la fête


C’était la fête nationale que Donald Trump attendait. Alors que des avions militaires survolaient la Maison-Blanche, le président américain a dégainé son fameux Sharpie pour signer la plus importante victoire de son deuxième mandat, le « One Big Beautiful Bill Act ».


« En ce 4 juillet, le président Donald Trump donnait l’impression d’être gagnant sur toute la ligne. À coups de menaces et d’intimidation, il a fait taire toutes les critiques et obtenu tout ce qu’il voulait.


«Les contestations judiciaires ? La Cour suprême vient de limiter la portée nationale des décisions des juges invalidant les décrets du président, qui dirige le pays du bout de son crayon-feutre.


« Les manifestations populaires ? Donald Trump a réagi en déployant la Garde nationale dans les rues, contre l’avis de l’État, dans une violente démonstration d’autoritarisme.


« Les universités ? Il les a mises à sa botte, effrayant les chercheurs qui sont pourtant un extraordinaire moteur d’innovation et de création de richesse.


« Les pays étrangers ? Il les a poussés à relever leurs investissements militaires de 2 % à 5 % du PIB et à réduire l’impôt sur les multinationales américaines.


« Le Sénat, le Congrès ? Ils ont voté en faveur de sa « belle et grande loi » qui redistribuera l’argent des pauvres aux riches, comme un Robin des Bois à l’envers.

« Même la Bourse qu’on voyait comme le dernier rempart contre les dérives trumpiennes est remontée à un sommet historique, elle qui s’était écroulée après l’annonce de droits de douane tous azimuts, en avril dernier.


« Alors quoi, les investisseurs s’étaient-ils énervés pour rien ?

« Absolument pas.

***


« Si la Bourse semble rassurée, le marché obligataire et celui des devises racontent une tout autre histoire.


« Depuis six mois, le dollar américain a perdu plus de 10 % face à un panier de devises étrangères, un plongeon inédit depuis 1973.


« C’est que les marchés remettent en question « l’exceptionnalisme américain », l’idée que son économie a la capacité de surclasser le reste du monde.


« Mais le plus inquiétant, c’est que la chute du billet vert survient en même temps que les taux d’intérêt montent sur les obligations du gouvernement américain, signe que les investisseurs perçoivent un plus grand risque, avec l’endettement fédéral qui s’accroît.


« Dollar en baisse, intérêts en hausse. Cette dangereuse combinaison, on la voit plus souvent dans les pays émergents en crise que dans les pays avancés, à plus forte raison aux États-Unis dont la devise est un pilier de l’économie mondiale. 


[...]


« Ce n’est pas le Big Beautiful Bill Act qui arrangera les choses, bien au contraire.


« La loi n’amènera pas un boom de richesse, car elle ne fait que perpétuer les baisses d’impôts aux plus riches que Trump avait mis en place dans son premier mandat et qui arrivaient à échéance.


« Mais pour payer ses cadeaux, Donald Trump prend une foule de mauvaises décisions.


« Il pige dans la poche des plus démunis. Cela laissera 12 millions d’Américains sans assurance maladie, une honte pour un pays riche comme les États-Unis. En élargissant les écarts de richesse, le président court le risque d’attiser les tensions sociales et de fragiliser la démocratie.


« Donald Trump sabre aussi dans l’aide au développement des énergies renouvelables, laissant à la Chine ce créneau d’avenir où elle jouit déjà d’une longueur d’avance.


« Par la bande, cela pourrait nuire à l’industrie de l’intelligence artificielle, très énergivore. C’est sans compter que les Américains souffriront du fait que le président baisse les bras dans la lutte contre les changements climatiques.


« Mais toutes ces coupes ne sont pas suffisantes pour couvrir les dépenses phénoménales de la « belle et grande loi ». Cela signifie que la dette américaine va gonfler de façon alarmante.


« Le ratio dette-PIB va grimper à 106 % d’ici deux ans, davantage que lors de la Seconde Guerre mondiale.


« Pourtant, la planète n’est pas en guerre, même si Trump essaie de présenter les États-Unis comme un pays en crise pour justifier ses gestes autoritaires.


« On savait que Donald Trump serait intempestif et imprévisible durant son deuxième mandat. Mais la vitesse à laquelle il détruit les fondations démocratiques et économiques de son pays est stupéfiante.


« Il devra en payer le prix, comme le démontrent la chute du dollar et la hausse des taux d’intérêt. Alors que tout le monde plie devant Trump, les marchés financiers sont les seuls à oser gâcher sa fête.


Extraits de l’éditorial intitulé

Ceux qui osent gâcher la fête de Trump

Stéphanie Grammond

La Presse

le 5 juillet 2025

publié à 5 h

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