« Toute critique de Charlie Kirk est-elle une apologie de son assassinat ?
« C’est ce que laissent croire des apôtres de Kirk qui mènent une campagne féroce en ligne pour harceler, sanctionner et faire taire ceux qui ont osé critiquer l’influenceur d’extrême droite après sa mort. Dans la foulée de cette chasse aux critiques de Kirk, des dizaines de personnes ont été congédiées aux États-Unis. Une professeure de l’Université de Toronto a aussi été suspendue pour un commentaire dont la « rhétorique violente » a été condamnée par le ministre ontarien des Collèges et des Universités.
« Soyons clairs : on ne peut que condamner fermement le terrible meurtre de Kirk. Même (ou peut-être surtout) pour ses adversaires politiques, il n’y a là absolument rien à célébrer. Sa mort aussitôt instrumentalisée par le clan trumpiste n’augure rien de bon pour les États-Unis.
« Alors que l’on ne savait encore rien des motivations du suspect – elles ne sont toujours pas élucidées au moment où j’écris ces lignes –, Donald Trump a vite promis de « traquer la gauche radicale », estimant que son discours « est directement responsable du terrorisme que nous observons aujourd’hui dans notre pays ».
« Il s’est évidemment bien gardé de souligner que l’extrême droite est impliquée dans plus de 90 % des meurtres extrémistes aux États-Unis depuis 20051.
« Ça ne veut pas dire que la violence politique est moins grave si l’enquête révélait ici que le meurtrier embrassait des idées de gauche. Mais ça veut dire que si Trump était le moindrement sérieux dans sa dénonciation du terrorisme et de la violence politique, il traquerait en priorité ses propres platebandes.
« En s’empressant de gracier en masse les émeutiers du Capitole, il a bien sûr fait exactement le contraire sitôt élu, envoyant le message à l’extrême droite que certaines violences seraient légitimes dès lors qu’elles servent les intérêts du président.
« Pour en revenir à Kirk… Tout en condamnant son assassinat, on n’a pas pour autant à glorifier un homme aux discours violents et haineux déguisés en liberté d’expression. On n’a pas à placer ses idées dangereuses à l’abri de tout regard critique.
[...]
« Le tournant que Kirk a réussi à atteindre avec Turning Point n’est pas celui de campus américains plus « libres » de débattre, mais plutôt de campus où le curseur de ce qui constitue une idée socialement acceptable méritant d’être débattue s’est déplacé dangereusement vers l’extrême droite.
« Pourfendeur des droits des personnes LGBTQ+, Kirk encourageait les étudiants et les parents à dénoncer sur sa « Professor Watchlist » les professeurs soupçonnés d’embrasser ce qu’il appelait « l’idéologie du genre ». Il croyait qu’il fallait une « sorte de procès de Nuremberg » pour traduire en justice les médecins des cliniques d’affirmation de genre.
« Il encourageait ses adeptes à rejeter le féminisme et à se soumettre à leur mari. Et bien d’autres choses encore qui ne sont pas de simples opinions « controversées », mais bien des discours radicaux qui mènent à la violence.
« Bref, ce n’est pas faire l’apologie d’un meurtre que d’oser critiquer les dangereuses idées propagées par Charlie Kirk. C’est plutôt refuser de normaliser des discours racistes, homophobes, transphobes ou misogynes. C’est refuser de sanctifier la haine. »
Extraits de la chronique intitulée
Ne pas sanctifier la haine
Rima Elkouri
La Presse
15 septembre 2025
publié à 20 h 02
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