«Il y a quelque chose de rassurant, de plus grand que nous dans ces V majestueux dans le ciel. Quand j’entends ces aboiements célestes, je cours dehors et, les yeux levés, je cherche les oiseaux. J’en suis chaque fois éblouie et apaisée :
le cours du temps continue, irrévocable,
malgré le monde rageur et nos tourments intérieurs.
Ce printemps, donc, je n’ai ni vu ni entendu les oies.
[...]
«Toute concentrée sur l’actualité tempétueuse du sud de la frontière, vissée à mes écrans, rivée aux gestes et aux déclarations du président américain, à la campagne électorale canadienne, j’avais négligé de regarder le ciel. J’ai manqué le spectacle pourtant présent de la nature qui s’éveille, de mes fidèles outardes.
[...]
«Regardons-nous un peu plus, agissons localement, individuellement et collectivement. Ressaisissons-nous. Intéressons-nous à ce qui nous entoure, nous constitue, nous nourrit.
«J’écris ces lignes à 5 h du matin. La nature est sur le point de s’illuminer.
«Le gris de la nuit régresse. Les oiseaux donnent un concert désordonné et fabuleux. Je détecte le merle et le cardinal qui émergent de cette nappe sonore de caquètements, de gazouillis, de sifflements. Peut-être même un huard, vers la rivière. Deux gros ratons balafrés viennent de traverser la rue, roulant des mécaniques. J’écoute et me tais, ravie par cette grâce.
«J’ai raté les outardes cette année,
mais je ne manquerai pas l’éclosion des feuilles.
Et vous ?»
Extraits de la chronique intitulée
Reprenons le contrôle de nos vies
Marie-France Bazzo
La Presse, le 6 mai 2025
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