« Bien que son impact exact demeure à déterminer, l’attaque des États-Unis contre les installations nucléaires iraniennes représente un coup dur pour Téhéran, qui voudra répondre sans entraîner une confrontation militaire d’envergure avec Washington.
Le programme nucléaire iranien est-il encore fonctionnel après les frappes américaines ?
« Le président américain, Donald Trump, s’est félicité dans une allocution télévisée samedi d’avoir « anéanti » les principales installations nucléaires iraniennes. Le secrétaire à la Défense, Peter Hegseth, a surenchéri dimanche en relevant que le programme iranien avait été « détruit » et que le pays ne pourrait se doter de l’arme nucléaire.
« Ali Vaez, spécialiste de l’Iran rattaché à l’International Crisis Group, note que ces propos « grandiloquents » ne tiennent pas compte de la complexité du problème. Même si les dommages liés aux bombardements s’avèrent substantiels comme l’assure le Pentagone, il est possible, dit-il, que les autorités iraniennes aient déplacé avant les frappes de l’uranium enrichi à 60 % qui pourrait rapidement être porté à 90 %, le seuil requis pour une utilisation militaire. Les autorités iraniennes avaient indiqué récemment que des installations clandestines pour enrichir l’uranium existaient ailleurs sur le territoire.
« Kelsey Davenport, qui est responsable de la lutte contre la prolifération nucléaire à l’Arms Control Association, note que l’Agence internationale de l’énergie atomique s’était déclarée incapable de situer toutes les centrifugeuses pour l’enrichissement fabriquées par l’Iran, suggérant que certaines puissent être utilisées clandestinement.
« Thomas Juneau, spécialiste du Moyen-Orient rattaché à l’Université d’Ottawa, pense que les affirmations de Téhéran sur ses capacités doivent être accueillies avec scepticisme. Il n’en demeure pas moins que les bombes ne pourront jamais faire disparaître le savoir-faire en matière nucléaire acquis par l’Iran au fil des décennies, prévient-il.
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Comment les Iraniens vont-ils répliquer à l’attaque américaine ?
« Qu’ils fassent ou non le choix de se doter de la bombe atomique, les Iraniens doivent décider à plus court terme comment ils entendent réagir à l’attaque américaine, dépeinte comme une « trahison ». Plusieurs hauts dirigeants, dont le président Massoud Pezeshkian, ont assuré que les États-Unis seraient « punis » pour leur intervention. Alex Vatanka, analyste rattaché au Middle East Institute, dit que le gouvernement iranien voudra répondre d’une manière « contrôlée » pour éviter que l’armée américaine n’entre de plain-pied dans la guerre au côté d’Israël.
« Des frappes contre une base militaire américaine au Moyen-Orient annoncées à l’avance de manière à éviter les victimes seraient un scénario possible, dit-il. Téhéran avait suivi cette approche après que le président Trump a ordonné en 2020 l’assassinat d’un haut commandant iranien en visite en Irak.
« Ali Vaez note que le régime iranien est considérablement affaibli et ne dispose que d’options « mauvaises ou désastreuses » pour contre-attaquer. Le blocage du détroit d’Ormuz, par lequel circulent près de 20 % du pétrole et du gaz mondial, est avancé par le Parlement, mais demeure conditionnel à la volonté du régime. Le scénario semble périlleux, puisqu’il risquerait d’irriter des alliés de Téhéran s’approvisionnant dans la région et susciterait presque certainement une réaction musclée de Washington. L’Iran serait lui-même pénalisé, puisque ses exportations en dépendent. « Ce serait comme se suicider parce qu’on a peur de la mort », illustre M. Vaez.
« Kelsey Davenport dit que l’Iran pourrait décider par ailleurs d’annoncer sa décision de se retirer du Traité de non-prolifération nucléaire. La manœuvre ferait monter la pression et mettrait plusieurs mois à être formalisée, laissant une ouverture possible pour des négociations avec le gouvernement américain.
Est-ce que les Israéliens vont continuer leurs opérations militaires ?
« Bien qu’il ait appelé le peuple iranien à se soulever contre le régime iranien, le gouvernement israélien insiste sur le fait que l’objectif de ses opérations militaires en Iran est de bloquer le programme nucléaire iranien et d’affaiblir son programme de missiles. L’attaque américaine représente un pas important dans cette quête, mais elle n’a pas freiné le gouvernement du premier ministre Benyamin Nétanyahou, qui s’est félicité d’avoir frappé des dizaines de cibles additionnelles dimanche.
« Ali Vaez note que le gouvernement américain est surtout préoccupé par la nécessité de neutraliser le programme nucléaire iranien alors qu’Israël voit dans le conflit une occasion de se débarrasser d’un adversaire régional de longue date. Rien n’exclut cependant que le président Trump finisse par se rallier à la position israélienne. « Les États-Unis semblent être à la traîne plutôt que de mener », dit l’analyste de l’International Crisis Group.
« En soirée dimanche, Donald Trump a finalement évoqué l’idée d’un changement à la tête de l’Iran si le gouvernement actuel n’est pas capable de « RENDRE À L’IRAN SA GRANDEUR ». « Pourquoi n’y aurait-il pas un changement de régime ??? », a-t-il demandé sur sa plateforme Truth Social. »
Extraits de l’article intitulé
L’Iran devant des options «mauvaises ou désastreuses»
Marc Thibodeau
La Presse
Le 23 juin 2025 à 5 h
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